Paris, juin 1929. Pour leur traditionnel Bal des matières, Charles de Noailles et son épouse Marie-Laure reçoivent tout ce qui compte dans la bonne société. Parmi les invités ce soir-là, Salvador Dali, Luis Buñuel, ainsi que Jean Cocteau... Avec ce premier essai, le tandem Erbetta et Hamelin signe d’emblée un album qui fera date.
L’histoire nous est contée par Virgil de la Roche, une gueule cassée qui infiltre le milieu artistique pour le compte du préfet Chiappe et de son ami Horace de Carbuccia, fondateur de la revue Gringoire, connue pour son idéologie d’extrême-droite et son antisémitisme. À cette époque, Buñuel venait tout juste de signer son premier film, Un chien andalou, co-écrit avec Dali. Une œuvre revendiquée par les surréalistes qui fit scandale.
Il attend que Charles de Noailles, grand mécène de la scène artistique, finance son prochain film, L’âge d’or, qu’il annonce encore plus sulfureux. Des soirées parisiennes au séjour au château de Dé dans le Var, rien n’échappe à l’œil de de La Roche, à la fois fasciné et dégoûté par ce vivier artistique très embourgeoisé, voire quasi aristocratique.
Pour ce tout premier scénario de bande dessinée, Lancelot Hamelin, romancier, dramaturge et metteur en scène, signe une chronique de cette période de l’entre-deux-guerres d’une remarquable fluidité narrative. Superbement bien documentée, vivante, son histoire nous éclaire sur les jeunes années de tous ces génies artistiques qui se côtoyaient dans un contexte encore sous le choc de la Grande Guerre.
Le trait réaliste de Luca Erbetta participe pleinement à la réussite de cet album. La façon dont il restitue les traits de Buñuel, Dali ou Cocteau par rapport aux photos que l’on connaît de leurs jeunes années est confondante. Son travail, tout en finesse, sur la couleur, est tout aussi remarquable. Ce premier volet d’un futur diptyque est tout simplement bluffant.