Les vieilles histoires d'Etienne Davodeau, c'est comme le vin : certaines se bonifient en vieillissant, d'autres perdent de leur saveur. L'auteur et son éditeur, Claude Gendrot, en publient seize, parues au fil du temps dans diverses publications. Courtes, percutantes, parfois hâtives, elles composent un ensemble de qualité malgré les affres du temps.
Elles sont seize. Comme autant de sœurs qui, à défaut de n'avoir que des points communs, partagent une motivation : une furieuse envie de dessiner, de raconter, de donner à voir. De la deuxième pierre du premier lycée public des Mauges, joli prolongement des Mauvaises gens, à la tempête de 1999 ou la critique acerbe d'une société capitaliste vomitive ; des angoisses d'un jeune ouvrier sur un chantier québécois à la fugue d'une adolescente qui rappelle Lulu femme nue, on est plongé au cœur de l'atelier.
Cette avancée de ses travaux dévoile à ses lecteurs ce qui fait la construction de ses œuvres. Ces seize histoires diffusent le sentiment d'avoir déjà croisé leur route. Ici ou là. Judicieuse idée d'introduire chacune d'elle par un entretien croisé entre auteur et éditeur. Si Davodeau n'a pas de carte de presse et ne prétend pas livrer une vérité objective, son travail de terrain et son processus créatif en disent davantage que la plus troussée des enquêtes ou le plus léché des portraits.
Ce qui se passe sous les yeux de l'Angevin touche. Au plus profond. De son premier BD reportage, Rural, qui contait avec justesse la conversion au bio d'amis paysans, à ses dernières publications, Cher pays de notre enfance ou La Balade nationale, Davodeau a fait du chemin.
Si cette BD ne paraît pas indispensable, elle est en tout cas nécessaire pour mieux comprendre encore ce qui fait Etienne Davodeau. Un carrefour entre le récit, l'émotion, le crayon et la projection.