Wonderland

Après nous avoir entraînés avec le scénariste Christian Perrissin pour un hallucinant voyage au cœur des ténèbres sur les pas de Joseph Conrad dans Kongo, Tom Tirabosco nous convie cette fois à partager ses propres souvenirs avec cette magistrale autobiographie.

C’est à l’occasion d’un séjour touristique à Rome que Jacqueline, sa future maman, originaire de Lausanne, va rencontrer, Antonio, son futur papa, réceptionniste de l’hôtel. Tom sera l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Jusque là, rien de bien original. C’est sans compter sur sa faconde narrative et graphique pour nous faire partager cette chronique familiale qui va susciter chez son lecteur une profonde et chaleureuse empathie.

Car ce qui distingue l’enfance et l’adolescence de Tom de tout un chacun, c’est l’arrivée de son frère cadet, Michel, né deux ans après lui, unijambiste avec deux bras atrophiés. Avec un courage et une résignation exemplaire, Jacqueline va très rapidement faire tout ce qu’il est possible de faire pour soulager l’handicap de son enfant qui va, mais comment pourrait-il en être autrement, peser lourdement sur les relations familiales. Et, si Michel en grandissant, connaîtra de nombreuses phases dépressives, il se révèlera être un battant et deviendra à son tour, à l’instar de Tom, un artiste reconnu dans le domaine de la musique.

Fidèle à son style, son trait charbonneux se marie parfaitement à une narration où l’humour, la sincérité et un imaginaire débridé offrent un salutaire contrepoids à la gravité de la plupart des situations engendrées par l’handicap. Au passage, Tom Tirabosco égratigne sérieusement l’évolution actuelle de la politique helvétique en matière d’immigration. Après l’excellent Des maux pour le dire où Lax se penchait également sur l’infirmité de son frère Yves, voilà encore un album à ne pas manquer.