Nephilims fait le double choix de s’intéresser au sort des Afro-Américains dans l’armée nordiste et de développer une veine fantastique peu usitée dans le contexte de la guerre de Sécession. Pari réussi, on est pris dans l’ambiance !
La guerre de Sécession fait rage. Les scénaristes, Laurent Runberg et David Dusa, mettent le focus sur une compagnie de Nordistes afro-américains, mal considérés par les autres soldats unionistes : à eux les sales boulots sans véritable reconnaissance de leur valeur, à eux les insultes et les coups dès que l’occasion s’en présente. L’histoire insiste fortement dans sa première partie sur le mauvais traitement des soldats noirs. Hélas, la réalité ne devait pas être plus brillante. Les auteurs montrent les divergences entre ceux qui se disent que patienter en serrant les dents est le prix à payer pour être reconnus et ceux qui pensent que c’est peine perdue.
Pour apaiser les tensions interraciales, leur colonel les choisit pour une mission insolite en pleine guerre : accompagner des savants dans les Monts Ozarks, à la recherche des traces d’un peuple de géants décrits dans certaines légendes amérindiennes. Le récit part (enfin) sur le chemin de l’aventure.
Le ton âpre est prenant. Le dessin de Stéphane et Juliette Créty révèle des personnages aux traits tourmentés, qu’ils soient noirs, blancs ou rouges. Ce choix renforce l’impression que le bonheur n'était pas de ce monde, à cette époque. La tension graphique est palpable. Pour les soldats, l’entente n’est au rendez-vous ni avec les savants de l’Est, qui ont autant de préjugés envers eux que les autres, ni avec leur guide, une femme trappeur sans doute inspirée par Calamity Jane (en plus jolie). Cependant les soldats menés par l’opiniâtre capitaine Jackson sont des professionnels agissant avec courage. Leur volonté comme leurs doutes les rendent attachants, c’est une des forces de l’histoire.
Vous découvrirez à la lecture la dimension fantastique instillée dans les dernières pages. Elle contribue clairement au cachet de l’album. Et la dernière case est un cliffhanger qui nous fait attendre avec impatience la suite !