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Editer des bandes dessinées pour adultes - Eric Losfeld et le Terrain Vague (1964-1973)

couverture de l'album Editer des bandes dessinées pour adultes  - Eric Losfeld et le Terrain Vague (1964-1973)

Éditeur : Impressions Nouvelles

Dessin : Benoît PreteseilleAuteur :

Collection : Traverses

Genres : Autour de la BD

Prix : 28.00€

  • ZOO
    note Zoo5.0

    Scénario

    5.0

    Dessin

    5.0
  • Lecteurs
    note lecteurs
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Le synopsis de l'album Editer des bandes dessinées pour adultes - Eric Losfeld et le Terrain Vague (1964-1973)

En 1964, l'éditeur Eric Losfeld (1922-1979) décide de publier une bande dessinée pour un public adulte. Barbarella, bientôt interdit, fait événement et inaugure une collection nouvelle dans sa maison d'édition, le Terrain Vague. A une époque où la bande dessinée était presque exclusivement destinée aux enfants, Losfeld est un des premiers à penser que cette forme d'art peut explorer d'autres supports et s'adresser à d'autres publics. Sa collection de Bandes dessinées et de Recherches graphiques compte dix-neuf titres, dont la Saga de Xam de Nicolas Devil, Lone Sloane de Philippe Druillet et Valentina de Guido Crepax. Autant de créations originales parmi les plus novatrices du moment. Bien avant les expériences des revues L'Echo des Savanes, Métal hurlant ou des éditions Futuropolis, ces livres ont marqué leur époque et les créateurs et créatrices contemporaines par leurs audaces érotiques et formelles. Un récit en gravures légendées, un roman-photo, un...

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L’histoire en marge

Quasiment inconnu du grand public, des albums majoritairement introuvables aujourd’hui (à part les rééditions de Barbarella ou Saga de Xam), qui étaient déjà à l’époque très onéreux, et une réputation de très mauvais payeur, Éric Losfeld reste un des jalons importants dans l’histoire de la bande dessinée pour adulte, qui mérite amplement d’être redécouvert.

Principalement connu pour avoir été l’éditeur de Barbarella, ou encore le premier qui publia Druillet, Losfeld est néanmoins bien plus que cela. À travers ce livre, Éditer des bandes dessinées pour adultes – Éric Losfeld et le Terrain Vagues (1964 – 1973), nous plongeons d’une part dans le parcours de l’homme, avec tout ce qui a précédé, mais aussi vers ses premiers pas dans l’édition principalement tournée vers la littérature et la poésie surréalistes. Benoît Preteseille contextualise continuellement son propos, explique l’émergence d’une critique, à la fin des années 50, la création du fameux Club des Bandes Dessinées et de son bulletin analytique Giff Wiff et la suggestion d’une bande dessinée plus adulte qui inspire à Losfeld la création de la collection Terrain Vague qui va lui servir de plateforme éditoriale pour proposer des albums en marge de la production du moment.

Le mot d’ordre étant alors l’audace, la liberté, avec si c’est possible de la fesse, car ça vend…

Anonyme, Éric Losfeld, in Mallerin et alii, 1977, page 91

Anonyme, Éric Losfeld, in Mallerin et alii, 1977, page 91

Une époque bien particulière

Ce qui est intéressant de comprendre, c’est qu’à priori, Losfeld ne vient pas du serail à proprement dit, il est même possible de douter qu’il n’ait jamais lu de BD auparavant. L’idée n’était donc pas d’aller forcément rompre avec les écoles graphiques du moment, mais de proposer des albums soignés, quitte à exploser les formats, s’abstraire des sacro-saints codes narratifs classiques, et si ça ne génère pas tout de suite de l’argent, ça n’est pas grave.
Si cette liberté de ton peut aujourd’hui surprendre, elle a permis à l’époque de prendre conscience qu’une BD plus libre était possible, plus frontalement adulte aussi, quitte à lever les grilles de la censure, à traîner régulièrement l’éditeur devant le juge.

Preteseille s’attache ainsi à suivre l’évolution de cette expérience d’édition, les rencontres, les rapports entre les albums, le public, les auteurs qui témoignent de cette période très particulière. Le ton est cependant très factuel, très attaché à montrer l’ambiguïté de la démarche de Losfeld qui, même s’il demeure un éditeur passionné, un peu fourre-tout, n’en reste pas moins un défenseur très investi de cette liberté de ton et de l’intégrité des albums qu’il publie.


Il détermine trois grandes étapes majeures dans le catalogue du Terrain Vague : Barbarella, de Jean-Claude Forest (1964), Les aventures de Jodelle, de Guy Peellaert et Pierre Bartier (1966) et Saga de Xam, de Nicolas Devil et Jean Rollin (1967). Trois albums iconoclastes qui montrent parfaitement l’esprit de l’éditeur et cette volonté de s’aventurer en dehors des clous. Toutefois, Preteseille ne se contente pas de sortir du bête descriptif, même si, dans la dernière partie du livre, il prend le temps de revenir sur chaque album, un par un, il explique, tisse des liens avec d’autres acteurs du milieu, n’oublie jamais d’insister sur l’époque, sur l’Histoire de la bande dessinée en parallèle. Les références sont extrêmement précises, elles permettent de mieux appréhender l’importance de cette production, la nécessité de la replacer sans cesse dans une perception globale de la bande dessinée adulte qui se constitue alors ses premiers jalons, quitte à parfois déborder.

Mine de rien, Losfeld établissait de nouveaux repères pour les générations qui allaient suivre et ce livre explique parfaitement les rouages qui ont amené cette prise de conscience. Néanmoins, on comprend très bien aussi que l’éditeur était lui-même le fruit de son époque, d’un ensemble de dynamiques émergentes qui constituaient déjà des petites étincelles éparses.

Anonyme, Éric Losfeld, in Mallerin et alii, 1977, page 99

Anonyme, Éric Losfeld, in Mallerin et alii, 1977, page 99

Une collection, des albums, des auteurs, des histoires…

Le livre se termine par une imposante dernière partie qui s’étale sur près de 150 pages ou Benoît Preteseille décortique le catalogue, s’arrêtant sur chaque œuvre, expliquant le process créatif, les anecdotes, l’histoire et les possibles impacts ensuite. Il y a certes quelques redites vis-à-vis des parties précédentes, mais c’est aussi intéressant de quitter le côté « global » pour s’attarder sur du cas par cas.

Toutefois, ce livre fait irrémédiablement penser à celui de Benoît Bonte, Sexties, les filles du Terrain Vague, sorti en 2020 chez PLG, dont il est un agréable complément, plus précis sur certains points, moins sur d’autres. Si l’aventure Losfeld vous intéresse, je vous conseille d’accompagner la lecture du présent livre par ce précédent volume qui reste lui-aussi passionnant.

En attendant qu’un jour d’autres rééditions viennent remettre en avant le catalogue du Terrain Vague, on ne peut qu’être enthousiasmé par le travail critique qu’il inspire.

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