Tsiganes, une mémoire française se révèle comme un album dur et intense, à l’image de son héros l’abbé Vollec, grand buveur, homme de foi autant en Dieu qu’en l'être humain, totalement dévoué à sa mission. La guerre, la haine, la peur, le désespoir et l’enfermement des Tsiganes au camp de Montreuil-Bellay durant la Seconde Guerre mondiale y sont décrits en noir et blanc, sans que jamais Kkrist Mirror ne manque de nuances.
Les Tsiganes, ces français nomades, haïs et craints depuis des siècles se sont vus enfermés dans des camps et ont été décimés par la privation de nourriture autant que par la privation de liberté. Cet album est un devoir de mémoire sur le drame qui a touché les Tsiganes lors de la Seconde Guerre mondiale et la force de l’Abbé Vollec seul Juste face à l’impossible tâche d’aider.
Et si au début de cette histoire, la France se divise entre zone occupée et zone libre, le pays se transforme surtout en une immense zone grise dans laquelle les gens face à leurs peurs, leurs préjugés. Le scénario de Kkrist Mirror souligne que leurs doutes ne sont jamais foncièrement bons ou mauvais mais le plus souvent terrifiés et abjects...
En noir et blanc, le dessin à la limite du flou parfois est pourtant sans concession. Il dépeint avec brio les sentiments mesquins autant que la farouche volonté d’aider de l’abbé Vollec. Et le gris perpétuel dans lequel sont plongés les personnages rend avec justesse l’absence de manichéisme du réel.
Cet album franc, sans complaisance et souvent dur s’offre le luxe de la nuance entre blanc et noir. Il permet de mieux saisir la plus grande faiblesse des Hommes : la peur viscérale de l’autre.