Qui, arpentant les galeries du Louvre, n’aura pas été médusé par la puissance qui émane du tableau de Théodore Géricault ? Si cette immense toile fait définitivement partie des grands chefs-d’œuvre classiques de la peinture, on connaît moins la brève vie de ce grand peintre, ni la genèse de son fameux Radeau de la Méduse. Chose faite avec Frank Giroud et Gilles Mezzomo avec cette passionnante biographie axée sur cette création.
Après avoir rappelé les circonstances du naufrage de La Méduse au large des côtes de la Mauritanie et son contexte, Frank Giroud dépasse l’anecdotique pour braquer son projecteur sur l’art d’utiliser l’Art à des fins purement politiques. Malgré les penchants royalistes de Géricault, son œuvre va revigorer les bonapartistes, évincés du pouvoir sous la Restauration.
On connaît depuis longtemps l’intérêt de Frank Giroud pour l’Histoire. Il la traite ici avec respect, n’hésitant pas à y introduire juste ce qu’il faut de fiction pour accrocher son lecteur dans le cadre standard de ce genre de récit. Le dessin de Gilles Mezzomo, tout comme la couleur de Céline Labriet participent pleinement à la réussite de cet album. En accordant une place privilégiée au personnage féminin d’Eleanor Barlow, l’intrigue qui se déroule autour de Géricault prend une dimension humaine qui ne peut que susciter l’empathie du lecteur.
Cet album marque aussi le retour de Mezzomo qui, chose étonnante au vu son rythme échevelé de travail, n’avait rien publié au cours de l’année dernière. A l’instar de sa superbe trilogie, Mexicana, son Géricault démontre, une fois encore, qu’il peut passer du domaine contemporain au registre historique avec la même aisance. Ce nouveau chaînon de la collection des Grands Peintres comptera sans doute parmi ses plus belles pépites, tant pour son scénario que pour son dessin inspiré, d’une belle et intelligente synergie.