Alors qu’Halloween approche à grands pas, les lecteurs avertis peuvent se plonger dans Les Filles de Salem. Thomas Gilbert révèle dans cette BD un épisode sanglant mêlant horreur et fanatisme religieux au cœur des Etats-Unis du XVIIe siècle.
Si Abigail Hobbes avait pu revenir sur un moment de sa vie, elle aurait probablement refusé cet âne en bois que lui a offert son camarade, Peter. Ce présent n’aurait peut-être pas déclenché la rencontre entre l’adolescente et l’« homme en noir », un Indien qualifié de Diable par le révérend du village. Sa belle-mère ne l’aurait pas non plus forcée à se couper les cheveux et s’effacer aux yeux des villageois. Car dans le Salem du XVIIe siècle, il est difficile d’être une femme, surtout quand la peur du Malin et d’autres actes de sorcellerie court les rues.
Le procès de sorcières de Salem a entraîné l’emprisonnement et la mise à mort de nombreuses personnes. Après avoir inspiré romans, séries et films, cette page sanglante se retrouve dans une BD. À travers une héroïne adolescente, Thomas Gilbert fait ressortir de façon bouleversante la folie d’une époque marquée par l’obscurantisme et le puritanisme. En résultent des scènes déchirantes, où la confrontation d'un village à sa jeunesse bouscule le lecteur. De quoi mettre en lumière les contradictions humaines, ainsi que la domination masculine et le fanatisme qui trouvent toujours un écho dans notre actualité.
La noirceur du récit est relevée par le talent graphique de l’auteur. Le dessinateur de Björn le Morphir plante avec virtuosité le décor de Salem, avec sa nature inquiétante mais aussi les visages de ses villageois tendus par la cohabitation avec les Amérindiens. Le tout dans une gamme de couleurs qui amène peu à peu dans le dénouement angoissant de l’histoire.
Les Filles de Salem est une BD pétrie d’horreur, portant parfaitement son sous-titre Comment nous avons condamné nos enfants.