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Momo, la vie qu’on oublie de raconter

En deux tomes de Momo, Jonathan Garnier et Rony Hotin ont rendu leur petite héroïne et son entourage attachants et émouvants au possible. Ils reviennent tous deux sur l’aventure qu’a été leur première BD.  

Extrait de Momo T.1

Une première BD par amour des personnages

Comment avez-vous sauté le pas vers la BD ?

Jonathan Garnier : A la base, je n’écrivais pas du tout, j’étais éditeur chez Ankama et j’étais très attentif au monde du visuel en général, de la photo au dessin... D’ailleurs, Momo vient d’une série photographique centrée sur Mirai-chan, une petite enfant qui a été suivie pendant 1 an par une photographe. Ces photos, très expressives et narratives, ont amplifié mon envie d’écrire.

Photographie de la série Mirai-chan

Photographie de la série Mirai-chan © Kotori Kawashima

D’abord l’histoire devait se passer au Japon : je voulais parler des laissés pour compte. Ce qui n'a pas changé après je l’ai rapatriée en Normandie où j’ai grandi, pour pouvoir la nourrir d’autre chose. En tant qu’éditeur, j’étais en contact avec Rony et j’avais envie de travailler avec lui, même s’il était très sollicité depuis son prix pour son court-métrage Le Vagabond de Saint Marcel. Je savais qu’il pourrait porter les personnages alors, sans trop y croire, je lui ai proposé.

Rony Hotin : Jonathan était très patient car même si j’ai eu un coup de cœur pour son scénario dès que je l’ai reçu, on a mis deux ans avant de pouvoir travailler ensemble. J’ai tout de suite été séduit par son histoire car j’aime beaucoup la question de l’enfance. En plus son scénario est très cinématographique, ce qui permet de beaucoup travailler la mise en scène, ce que j’adore. Je savais que j’allais m’éclater !

Comment as-tu vécu ton saut de l’animation à la BD ?

Rony Hotin : Je l’ai fait avec beaucoup d’humilité et d’appréhension, car en tant que metteur en scène dans l’animation, je savais que le piège en BD c’est de croire la bande dessinée est un simple story-board avec des bulles. J’ai donc demandé conseil à Jonathan vu qu’il avait déjà une grande expérience dans le milieu comme éditeur. Mais j’ai aussi posé des questions à des connaissances qui ont déjà franchi le pas de l’animation à la BD, dont Jérémie Moreau. Dès que je découpais un peu trop, on me tapait sur les doigts, donc j’ai pu apprendre rapidement.

L’histoire est celle de Momo, petite fille casse-cou, dont rien n’indique le genre même le prénom...

Jonathan Garnier : Depuis que j’ai commencé à travailler sur ce récit, Momo s’appelait Momo, déjà parce que l’histoire se passait au Japon. J’ai tellement pris l’habitude de l’appeler comme ça que je ne me voyais pas faire autrement, même lorsque que j’ai transporté le scénario en Normandie.

Ce surnom lui donnait un côté atypique et je laisse au lecteur le soin d’imaginer son prénom... Ce personnage, je l’ai voulu plutôt iconique, au sens où je voulais qu’elle ait surtout une silhouette reconnaissable, notamment avec un sac banane. Que Rony Hontin a même fait en forme de banane... Une super idée !

Rony Hotin : Pour créer les personnages, j’ai pu appliquer la même méthode de création que pour l’animation. Partir d’une photo que Jonathan me fournissait ou d’une personne pour créer notre propre personnage. En graphisme, on s’assure que les choix de couleurs et vestimentaires mettent en avant des traits de caractère. Alors pour Momo, les cheveux ébouriffés et ses bottes collaient bien avec son côté aventurière... Quant aux yeux ronds, ils m’ont permis de créer tout de suite de l’empathie.

Récit choral d’un village

La grand-mère de Momo est mise en avant dans le premier tome comme un personnage important et touchant, ce qui est plutôt rare...

Jonathan Garnier : Les enfants et les personnes âgées sont des personnages intéressants mais souvent évités dans les récits tout public. C’est dommage car ce sont des figures avec lesquelles on peut aller très loin dans les sentiments. Momo était intéressante comme pont entre des générations... Un peu comme dans deux films qui m’ont influencé : L’été de Kikujiro où l’on suit un enfant mais où l’adulte est tout aussi présent et Little Miss Sunshine où l’on parle de l’enfance mais pas seulement parce que chaque personnage a sa place dans l’histoire...

Recherche de personnages de Rony Hotin


Rony Hotin : Tous les personnages de Momo avaient déjà pas mal de profondeur à l’écrit. Je me suis donné à fond pour m’assurer que j’y crois également au niveau du dessin... Et je suis content que ça fonctionne !

Jonathan Garnier : Le vrai défi était que tous les personnages aient un sens et évoluent tous au moins un peu. Et vu que c’était ma première BD, il fallait que tout l’univers soit cohérent, qu’aucun personnage ne soit gratuit : que je fasse mes preuves, quoi ! Grâce à Rony, tous les personnages sont attachants en plus !

Rony Hotin : Il y a tellement d’indices et de scènes qui se croisent que j’ai adoré dessiner l’ensemble. En plus on espère que chacun verra des nouvelles scènes, un peu cachées au fond, en relisant...

Jonathan Garnier : D’ailleurs j’ai essayé qu’il y ait un écho entre les personnages, Momo par exemple qui se projette dans Françoise, si grande, si courageuse et si belle...

On retrouve aussi des références à une époque, entre Dragon Ball et les bêtises intemporelles à base de pétards et de crottes...

Jonathan Garnier : J’ai plongé Momo dans sa propre façon de grandir, sans repère ni paternel ni maternel. On voit bien qu’elle n’a pas le même bagage que les autres, qui sont hyper choqués qu’elle ne connaisse pas Dragon Ball par exemple. Le cercle familial est hyper important pour moi, mais...

Rony Hotin : Mais finalement il est au-delà du sang.

Extrait Momo T.2

Jonathan Garnier : Oui, c’est ça : Momo est très attachée à sa grand-mère mais dans le deuxième tome, elle découvrira aussi d’autres personnes... Tout ça pour dire qu’on peut s’épanouir à sa façon. Il est très intéressant de parler de ces personnages ruraux un peu oubliés, pas issus d’une grande famille ni d’un grand quartier mais avec plein de liens entre eux.

Rony Hotin : Pour l’époque, on savait que l’histoire se déroulait fin années 80 début 90, mais on ne voulait pas en faire trop, que le récit reste plutôt intemporel. Il est hyper intéressant de faire des clins d’œil, de replonger dans les archives pour trouver la référence qui fera mouche pour les adultes... sans pour autant perdre les enfants !

Quant aux couleurs, elles sentent l’été et les vacances entre deux tempêtes…

Rony Hotin : C’est vrai que la Normandie est une région qui a une très mauvaise réputation au niveau temps. Mais j’ai vécu au Sud de l’Angleterre, au climat semblable, et il y a aussi des très belles journées. Donc pour la Normandie, je ne me suis pas privé de les mettre en scène ! Et même pour la tempête, je voulais que la pluie ne soit pas glaciale pour donner de la chaleur à tout le monde.

Jonathan Garnier : Et il fait souvent beau en Normandie quand même. [Rires]

Maintenant que le diptyque est terminé, avez-vous en tête une suite ?

Jonathan Garnier : C’est vrai qu’on a du mal à quitter Momo et son village. On a déjà des idées pour faire évoluer le récit avec d’autres thématiques... Mais rien n’est fait...

Rony Hotin : Il y a plein de personnages secondaires à faire vivre mais bien sûr on a bien en tête que les meilleures séries sont celles qui ont su s’arrêter au bon moment. Donc on veut faire très attention à ne pas tirer sur la corde...

D’autres projets en cours ?

Rony Hotin : J’ai deux scénarios qui m’ont été soumis pour des longs métrages, dont je ne pas encore parler...

Extrait de Tilmo l'aventurier (Yohan Sacré)

Extrait de Tilmo l'aventurier (Yohan Sacré)

Jonathan Garnier : Elias et Ida avec Jérémie Almanza chez Casterman et Timo l’aventurier avec Yohan Sacré au Lombard. Bien sûr la sortie de la suite de Bergères guerrières avec Amélie Fléchais et plein d’autres projets dans les cartons !

Extrait d'Elias & Ida (Jérémie Almanza)

Extrait d'Elias & Ida (Jérémie Almanza)

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