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Gengoroh Tagame démonte les clichés

Gengoroh Tagame dessine à la fois pour des revues érotiques gay mais aussi pour des romans et des mangas. L’auteur de l’adorable série Le Mari de mon frère, raconte comment est né son premier manga grand public qui aborde sans fausse pudeur l’homosexualité.

L'homosexualité encore taboue au Japon

Comment êtes-vous venu au manga ?

Gengoroh Tagame : Je dessinais beaucoup quand j'étais petit et me suis naturellement tourné vers le manga. J'ai envoyé mes dessins à des magazines, qui les ont publiés. Je ne voulais pas spécialement devenir mangaka, Je faisais ça parmi d'autres choses... J'ai été directeur artistique, designer, maquettiste, romancier, illustrateur pour des revues gay... Au fur et à mesure, le manga est devenu la partie la plus importante de mon travail sans que je m'en rende compte.

Le Mari de mon frère T.1

Extrait Le Mari de mon frère T.1 © Gengoroh Tagame 2014 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.


Spécialisé dans le manga gay érotique, vous sortez actuellement une série tout public, Le mari de mon frère, qui démonte les clichés sur l'homosexualité. Ce genre de récit vous parait nécessaire ?

Au Japon, peu d'homosexuels vivent de manière ouverte et le revendiquent. A cause de ça, beaucoup de gens se font des idées sur ce sujet-là, sans connaître les choses. En revanche, parce que l'homosexualité n'est pas visible, on entend moins parler de « hate crimes », ces agressions violentes plus répandues aux Etats-Unis ou en France par exemple. L'homosexualité prend une forme moins remarquable chez nous, c'est là sans être là.

Étonnamment, le Japon est un gros producteur de yaoï, mangas présentant des couples homosexuels, mais il y a peu d'avancées sociales. Comment expliquer ce paradoxe ?

Le « boys' love » est très développé au Japon, mais il n'est pas très réaliste et assez déconnecté des réalités des communautés LGBT qui vivent là-bas. De plus, la plupart de ces mangas sont écrits d'un point de vue très hétérocentré...

Le Mari de mon frère T.1

Extrait Le Mari de mon frère T.1 © Gengoroh Tagame 2014 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.

J'ai fait mon coming out il y a 30 ans et me suis souvent demandé pourquoi peu de personnes le faisaient. J'ai réalisé que beaucoup préfèrent en fait vivre dans le placard au Japon. A partir de là, c'est difficile de légiférer. On ne peut pas décider sans eux, et il n'y a pas vraiment de demande de leur part. C'est sûrement pour ça que la cause stagne au Japon : les gens concernés sont les premiers à ne pas en parler et à vouloir vivre cachés.

Extrait du volume 1 du Mari de mon frère

© Gengoroh Tagame 2014
FUTABASHA PUBLISHERS LTD.

Vous abordez également d'autres sujets de société compliqués au Japon, comme les pères au foyer ou le divorce...

Au Japon, il y a un proverbe qui dit « Les hommes, ça ne va pas dans la cuisine ». Ce genre de discrimination, j'ai voulu le mettre en exergue dans ce livre. Le divorce, lui, n'est pas si commun que ça au Japon et il arrive souvent qu'on entende que divorcer, c'est un échec total dans une vie !

En ce qui concerne les familles monoparentales, je pense que ce n'est pas spécifiquement japonais. Mais dans les livres que je lisais petit, tous les enfants qui n'avaient qu'un seul parent étaient automatiquement tristes. C'est quelque chose qui m'a beaucoup dérangé. Il y a plein d'autres possibilités et en tant qu'adulte, c'est notre responsabilité de ne pas mettre ce poids-là sur les enfants. Je voulais faire passer l'idée qu'il y a autant de situations familiales que de manières de trouver le bonheur.

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