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Une histoire humaine sur fond de zombies

Charlie Adlard est au dessin de Walking Dead depuis près de 11 ans. Ce virtuose du noir et blanc revient sur sa rencontre avec Robert Kirkman et ses débuts sur cette série de zombies.

Un trait naturel

Comment avez-vous repris le dessin de Walking Dead ?

Charlie Adlard : Assez simplement en fait. Je connaissais Robert depuis 2 ans, à cause de sa maison d’édition Funk-O-Tron. Quand on s’est connu j’écrivais et dessinais Codeflesh et on s’est rencontrés à la Comic Con de San Diego où on a beaucoup parlé.

Extrait du tome par Tony Moore

Un jour, Robert m’a envoyé un email pour me demander si je pouvais reprendre le dessin de sa « série de zombies » car Tony Moore arrêtait. Comme en plus j’étais libre à ce moment, c’était une proposition facile à accepter ! Je n’imaginais pas que je serai toujours au dessin de cette grande série 11 ans plus tard !

Comment travaillez-vous avec Robert Kirkman ?

Il me fournit un script complet à chaque fois. Pour moi, c’est plus libérateur qu’un synopsis sur lequel il reviendrait pour écrire les dialogues, parce que l’expression que je donne aux personnages colle directement aux dialogues. Ca m’évite de devoir deviner ce qu’ils contiendront : je sais ce que Robert attend et ça évite les incompréhensions entre nous deux!

Comment avez-vous abordé la reprise de l’univers de Tony Moore qui était au dessin du premier tome?

Très bien ! Je venais de finir un chapitre de Batman avec Robbie Morrison, pour lequel mon style devait être plus poli, plus lisse. Alors quand j’ai vu le travail de Tony Moore, je savais que j’allais devoir créer une transition entre son dessin et le mien pour ne pas décevoir les fans mais je me réjouissais aussi car cet univers me permettait d’utiliser un trait beaucoup plus naturel. Je revenais à un style qui était vraiment le mien.

Pourquoi avoir opté pour le noir et blanc ?

90 % du temps, je travaille en couleurs, vu que c’est majoritaire dans la BD. Mais j’adore travailler en noir et blanc, car c’est très fort visuellement ! Utiliser beaucoup de noir est ma manière de composer la page et l’espace. J’aime beaucoup regarder une page finie sans couleur sans qu’elle semble vide.

Pour moi, la couleur relève légèrement la lumière mais dans beaucoup de mes pages, je n’en ai pas besoin. Souvent, comme pour Savage, je limite la palette utilisée en disant « je n’ai pas besoin de cette couleur, de celle-ci… »

Est-ce difficile de suivre le rythme de parution mensuel ?

Quand je dessinais et encrais Walking Dead, ce que j’ai fais pour 400 chapitres, j’avais besoin de trois semaines par chapitres. Maintenant que je ne fais plus que le dessin, je ne prends plus qu’une semaine et demie voire deux si c’est un chapitre plus compliqué. C’est pour ça que je peux travailler aussi longtemps sur cette série : je sais que je peux « facilement » tenir les délais.

Inspiration : la vie

Quelle est votre inspiration pour créer vos personnages ?

La vie ! Walking Dead n’est pas qu’une série de zombies. Elle se déroule de nos jours aux Etats-Unis, donc on ne peut pas isoler nos personnages de cette réalité. Pour créer leur environnement, Google Image est mon meilleur allié ! Je m’inspire aussi beaucoup de ce que je vois au quotidien, même si les personnages évoluent dans ma tête.

On ne trouve jamais exactement le modèle qu’on cherche dans la rue, mais je me dis souvent que je devrais emmener un carnet pour faire des croquis dehors. Ce que je ne fais jamais vu que je dessine 6 à 7 heures chez moi... Quand je sors, j’enregistre ce que je vois pour le mettre sur papier en rentrant.

Souvent les humains sont plus dangereux que les zombies…

On dit souvent que Walking Dead n’est pas vraiment une histoire de zombies mais plutôt une histoire humaine sur fond de zombies. Si c’était juste un récit de zombies, il n’aurait pas duré aussi longtemps. Le cliché d’horreur ou d’action « l’humain est pire que le monstre dont on se méfie » nous a très souvent servi. Dans ces genres, on essaie souvent de ne pas laisser le monstre rentrer alors que la plus grande menace est déjà l’intérieur.

En plus dans le tome 23, une grande surprise arrive : un danger immense. La réaction des Américains était impressionnante, car de nombreuses personnes ont été choquées par la manière dont on a « brisé » les règles du genre en créant des zombies parlants alors que...

Quelles sont les qualités principales du groupe que vous suivez, pourquoi lui plus que les autres ?

Robert était vraiment excité par cette question : que va-t-il se passer ? Il fallait à chaque fois faire exister cette petite colonie de jour en jour. Ce comics pourrait être le plus noir de tous, mais il fallait aussi des moments positifs pour éviter que nos personnages ne deviennent complètement fous.

Après la grande guerre contre Negan, il nous fallait faire un bond dans le temps pour commencer autre chose, un moment où tout semblait sous contrôle, où la colonie reprenait son souffle avant de commencer une nouvelle aventure. En plus, suivre un groupe permet de donner naissance à de nombreuses histoires individuelles, de rencontrer d’autres communautés et parcourir des lieux différents.

De nombreuses questions attendent encore des réponses. Pour beaucoup d’endroits, on se demande ce qui est arrivé et on ira peut être voir. Mais on s’occupera jamais de ce qui se passe ailleurs, on reste attaché à ceux qu’on a croisés. On ne fait pas comme dans World War Z : on reste dans l’ignorance du reste du monde même si on se doute qu’il a aussi été touché par le fléau zombie.

Et à quelles questions ne répondrez-vous pas ?

Beaucoup de gens nous demandent ce qui s’est passé avec les gares, les usines, etc. On n’a pas réponse à tout et on se doute bien que notre histoire n’est pas 100 % réaliste car personne ne survit à l’abandon de toutes les grandes industries, notamment le nucléaire, qui se détériorerait très vite.

Il est bien plus intéressant de s’attacher à ce qui peut se passer humainement et de se servir de tous les détails liés au contexte pour créer la suite des événements. C’est comme dans un film d’action : on s’en fiche de savoir pourquoi la femme/les enfants/la famille du héros ont été tués, ce qui est intéressant c’est de découvrir comment il réagit à tout ça.

Quels sont vos projets hormis la suite de Walking Dead ?

Robert Kirkman et moi avons l’immense et infini projet The Passenger qu’on aimerait boucler un jour. Cette année un de mes albums est publié directement en France : Le souffle du Wendigo. Et bien sûr j’ai aussi plein d’autres choses en cours !

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