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L’Alchimie des Mondes cachés

Silvio Camboni a repris le dessin de Gargouilles dès son deuxième tome. Une fois achevée la série autour des voyages de Grégoire entre le monde actuel et la magie, il s’est lancé avec son scénariste, Denis-Pierre Filippi dans une série de tomes indépendants, Les Mondes Cachés. Retour sur leur héros, devenu ado, mais liés à la magie.

Un Voyage magique

Comment avez-vous repris le dessin de Gargouilles ?

Silvio Camboni : Au premier tome, c’est Etienne Jung qui dessinait, en magnifiques couleurs directes ! Comme il a quitté la série qui avait déjà un petit succès, les Humanoïdes Associés ont cherché quelqu’un pour le remplacer. Ils m’ont proposé de faire des pages d’essai et ils m’ont pris !

Case du premier tome de Gargouilles

Case du premier tome de Gargouilles

C’était difficile de reprendre le style d’Etienne mais comme il avait fait une recherche graphique plutôt proche de l’univers Disney, ça a été plus facile pour moi. En effet, c’était mon univers à l’époque, donc c’était difficile mais pas trop !

Comment avez-vous fait évoluer cet univers ?

Comme la couleur directe est très difficile à reproduire, on a galéré pour trouver un coloriste qui pouvait reproduire ce style magnifique et difficile à faire à l’ordinateur. Au fur et à mesure des tomes de Gargouilles, on a adapté d’ailleurs le trait pour faciliter la colorisation. Au début j’encrais à la plume et redessinais le trait à l’ordinateur. Puis je suis resté à l’état du crayonné propre pour passer sur l’ordinateur, ce qui a donné aussi une sorte de personnalité supplémentaire au dessin.


Pour la deuxième série, on développé encore ça ! J’ai essayé de garder l’unité de l’ouvrage tout en y ajoutant un peu de mon style.

Les Mondes cachés ne s’ouvrent pas directement après Gargouilles

Entre les deux séries, on a eu l’expérience du Voyage extraordinaire qui nous a donné une direction à suivre. On voulu mélanger l’univers de Gargouilles et la thématique du voyage pour trouver une solution originale, à la fois une nouveauté et une série en lien avec la série principale. J’espère qu’on a réussi.

Votre représentation de la magie a évolué ?

Bien sûr, je modifie mes choix dans la limite de ce qui est cohérent dans l’univers. C’est cette expérimentation qui est intéressante dans mon travail !

Pour les sorts, ce sont les Humanoïdes Associés qui recréent des choses crédibles par rapport à l’héritage typographique qu’on a !


Vous avez introduit beaucoup d’éléments japonisants, d’où est parti ce choix ?

Je voulais un personnage de cette origine car j’avais envie de dessiner cet univers. Ensuite, c’est vraiment dû à l’histoire : on a écrit cet album autour d’un personnage japonais, donc il fallait qu’on retrouve des éléments japonisants. Itsuki et sa famiile ont donc fait naître le gigantesque jardin japonais…


Comme on voulait une histoire qui se déroule dans la nature, on a choisi un arbre immense pour le déroulement de l’histoire. On voulait que tout se passe dans cet arbre.


Vous avez aussi beaucoup montré les toits de Paris dans ce tome…

J’ai visité Montmartre, pris plein de photos et ait cherché sur Internet pour réinterpréter tout ça. J’avais envie de dessiner cette partie de la ville car je l’ai adorée. La transposer était très agréable !


Je veux montrer des personnages qui habitent Paris et pas de déplier un guide touristique. Donc si on voit la Tour Eiffel, elle est dans un coin, ce n’est pas le centre de l’histoire. Même si les toits de Paris, sont poétiques, ils ne prennent jamais le pas sur l’action.


Dessiner : savoir doser

Comment travaillez-vous avec Denis-Pierre ?

Au début, il me livrait un scénario fini, mais maintenant on partage tout. On part sur une première idée puis il m’envoie un synopsis léger puis on discute encore et ainsi de suite. On discute beaucoup à chaque étape, peut être trop ! [Rires] C’est pareil avec Gaspard Yvan, notre coloriste : on lui fait entièrement confiance et on parle de chaque étape ensemble, pour que la BD soit vraiment produite par tous les trois.


Avez-vous changé votre trait pour représenter Grégoire adolescent ?

C’était la partie la plus délicate, car Grégoire était vraiment le personnage symbole de cet univers. On a tous beaucoup parlé de ce changement : Denis-Pierre, les Humanoïdes Associés et moi. J’avais une idée en tête de ce que pouvait devenir Grégoire et son univers. J’ai l’impression d’avoir trouvé la formule, mais ce n’était pas acquis. Quand j’ai fini de chercher ce personnage ado, je l’ai montré à tout le monde pour être sûr !

D’ailleurs la sœur de Grégoire est moins bimbo…

Elle a grandi aussi. Physiquement c’est moins évident car elle était déjà ado dans Gargouilles. Mais son caractère a évolué car elle a affronté des situations qui l’on rendue plus adulte. Bizarrement, elle est devenue plus responsable que Grégoire, ce qui est naturel vu que Grégoire refuse la magie à présent. Le rapport frère et sœur évolue même si Grégoire est toujours au centre de l’histoire.

Et comment travaillez-vous les face-à-face familiaux ?

Il y a plusieurs niveaux : Denis-Pierre décrit les relations entre les personnages et cela crée des images dans ma tête. Si le personnage est « méchant » ou « gentil », ça change la donne même si on ne joue pas du tout avec les stéréotypes. Pour les expressions, c’est une question de dosage car il y a plusieurs niveaux de compréhension possibles. Cette partie du travail, je l’adore encore plus que le reste : les parties de dialogue sont très importantes pour moi.

Il y a d’un côté le Hollywood de la BD avec l’action, le grand spectacle et de l’autre les dialogues et ce qu’ils demandent de technique. Il faut tomber juste dans le degré d’émotion que les personnages dégagent. On ne peut faire ça que si on connait par cœur le caractère de nos personnages. Des codes graphiques existent depuis toujours mais il faut absolument trouver le bon dosage, la bonne alchimie !

En plus on aime bien ne pas jouer des stéréotypes, donc le dosage est encore plus compliqué ! Il faut que les motivations des personnages soient exploitées, puisque le pourquoi donne l’épaisseur aux personnages.

Avec quoi créez-vous les animaux légendaires ?

C’est un sacré travail de synthèse : pour Peur, par exemple, le « monstre » de ce tome,  je voulais une bête féroce, sauvage et intelligente. Comme base, je voulais un félin, car c’est très majestueux et très beau. Pour le visage, on a ajouté un singe puis mis des ailes. C’est une idéalisation de l’animal parfait : dangereux et parfait à la fois. Je ne sais pas si c’est la meilleure solution, mais comme on l’a aimé, on l’a conservé.

Comment travaillez-vous avec votre coloriste pour les créatures imaginaires ?

Normalement, je ne donne jamais d’indications sur la page, mais pour Peur, j’ai tenu à ce qu’il ne soit pas normal. On a donc choisi une gamme de couleurs bizarres et on a ajusté un peu pour avoir ce rendu.

Pour les singes bleus et rouges qui se font la guerre, c’était compliqué, car il fallait les reconnaitre comme deux tribus différentes qui se sont divisées à un moment. On a changé pas mal de fois leur couleur : bleu, vert, rouge, fushia… Finalement on a trouvé une solution, mais c’était difficile !

Avez-vous d’ailleurs une idée des mondes que va explorer Grégoire par la suite ?

On est en train de réfléchir avec Denis-Pierre. A chaque étape, on aura un univers différent à découvrir, ne nous reste plus qu’à choisir lequel parmi toutes les possibilités !

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