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Jour de fête au marché

La scénariste de Marzi, a recréé un jour de marché des années 80 avec Aude Soleilhac et son dessin lumineux. Elles nous racontent comment est né le héros d'Histoire de Poireaux..., le petit Vincent, son rêve de vélos et pourquoi les poireaux sont de la fête !

Des gamins et des poireaux

Comment est née cette tranche de vie ?

Marzena Sowa : Comme je travaille beaucoup sur l’histoire, la Pologne, le totalitarisme, j’avais envie de quelque chose de serein, d’arrêter de parler de la Pologne pour parler de la France. Après 14 ans en France, c’est mon premier livre sur ce sujet. Et comme j’adore le cinéma de Jacques Tati, je voulais un album avec la même ambiance que Jour de Fête.


J’avais juste envie de raconter l’histoire d’un gamin, fils de maraîchers, qui aurait un rêve : avoir un vélo, car j’adore en faire. Je ne savais pas qu’on parlerait de poireaux mais ils se sont imposés tous seuls. J’ai eu une enfance heureuse mais communiste alors je me suis offerte une enfance française heureuse à la campagne !

Au début, je pensais faire un livre d’illustrations. Mais comme beaucoup me le disent, j’ai une écriture cinématographique, donc pourquoi illustrer seulement quelques scènes ? Pour la belle atmosphère sereine, le dessin d’Aude y est pour beaucoup ! Les couvertures de mes albums personnels sont de plus en plus noires, alors que là tout est plein de couleurs.

Et pourquoi les poireaux dans l’affaire ?

Marzena : J’aime beaucoup la langue française et au tout début je voulais faire un projet sur les expressions figées. On en voit un peu dans le livre, avec les jeux de mots de Jean-Michel, le meilleur ami du héros. Et puis les poireaux sont arrivés, accompagnant le verbe « poireauter ».

Comment travaillez-vous ensemble ?

Aude Soleilhac : Marzena est toujours ravie de ce que je lui envoie alors je suis toute contente d’avoir compris ce qu’elle voulais.

Marzena : C’est vrai que c’est une des collaborations les plus agréables que j’ai eues car après les premiers réglages, j’avais l’impression que ça se dessinait tout seul ! Je voyais ses pages, je me suis dit : Aude est plus qu’excellente en découpage, c’est très dynamique. Tout est ultra-vivant.

Même vos chiens sont très vivants !

Aude : Et pourtant je n’ai que des chats ! C’est vrai que j’ai bien aimé dessiner ce petit chihuahua. Il est d’ailleurs dans les bras d’un personnage inspiré de Geneviève de Fontenay !

Marzena : Et je te l’ai jamais dit, mais le personnage que j’avais écrit était aussi inspiré d’elle !

La nourriture a une place très importante dans ce livre…

Aude : Beaucoup de gens ont adoré les scènes où les personnages mangent car elles sont très vivantes.

Marzena : Forcément, si tu mets plein d’enfants à une table et tu leur annonce qu’ils vont manger de la rhubarbe par exemple, certains vont se réjouir d’autres râler. C’est très vivant et Aude le rend très bien !

Aude : D’ailleurs cette scène qui dure déjà 10 pages, aurait dû durer plus longtemps ! On l’a légèrement coupée.

Marzena : Mais le jour où on en fera un film, on la fera durer. [Rires]

D’ailleurs Marzena, vous avez fait un plaidoyer pour les légumes, les poireaux en particulier ?

Marzena : Sans le faire exprès, oui ! Je n’en mange pas des masses de poireaux ! En Pologne, on les mange beaucoup cru avec de la mayonnaise alors qu’en France je les ai découvert avec de la vinaigrette en salade.

Pour moi, la nourriture est très importante car c’est un moment d’échange de cultures ! D’où le fait de faire aussi goûter des pierogis aux enfants grâce à la dame polonaise qui les fait manger !

Un joyeux marché

Comment est né le titre, plutôt improbable ?

Marzena : Je l’ai laissé sur le scénario parce que je ne savais pas quoi mettre. Ce titre provisoire a tenu, car on a cherché longtemps sans jamais pouvoir proposer quelque chose de mieux. Il raconte vraiment ce qui prend de la place dans l’histoire.

Comment écrivez-vous les dialogues, pleins de vie ?

Marzena : Je commence toujours un projet par les dialogues. Ici les premiers que j’ai écrits sont entre Jean-Michel et Vincent. Et j’écris tout en français directement, car ça me donne l’impression d’être plus juste dans l’expression de ce que je ressens.

Et cette bande de gamins, comment s’est-elle composée ?

Marzena : Je me suis beaucoup inspirée de ce que j’ai vécu, inconsciemment.

Aude : Ce qui est étrange, c’est que j’ai très peu de souvenirs d’enfance. Heureusement, je suis tombée au début du projet sur un film québécois : 1981. C’est une bande d’enfants qui vit plein de mini-histoires et il a fait écho en moi, au niveau mode, coiffure. Il m’a permis de me replonger dans les années 80 !

Quant aux personnages, ils surgissaient directement devant moi, j’avais qu’à les dessiner ! Celui que j’ai eu le plus de mal à trouver, c’est Marie. Elle est secrète et très éloignée de moi donc bien plus difficile à trouver que Camille, qui est plus piquante et rentre dedans. Vincent et son épi indomptable, il est aussi venu assez vite.

On n’a pas voulu d’habits trop typés 80’s, car l’historie se situe dans la campagne et pas au cœur d’une ville branchée. Mais on a laissé des indices liés aux années 80 : le walkman, les billets de banque, les jouets, la raie au milieu. D’ailleurs, des lecteurs croyaient que ça se déroulait dans les années 60 ou 70, car si on ne fait pas attention aux indices, on se retrouve juste face à une histoire d’enfance universelle !

De quoi inspirez-vous graphiquement pour créer ce marché joyeux ?

Aude : J’ai traîné sur des marchés et j’ai dû expliquer pourquoi je prenais des photos. Les maraîchers étaient inquiets, ils se demandaient peut-être si je faisais de l’espionnage « maréch-agricole » ! [Rires] Une fois expliqué que je faisais un livre, ça allait mieux.

Pour mon trait, ça fait quelques années que j’assume d’avoir un trait rond, très jeunesse. J’aime bien dessiner cette communauté de gamins qui se retrouve ! Jusque là, j’avais fait que des adaptations de roman. Quand j’ai lu le scénario de cette première création originale qu’on me propose, j’ai vu un film se dérouler ! J’avais juste à dessiner ce que je voyais.

J’ai fait le découpage pour mettre en images le film de Marzena et donner une pagination à toute l’histoire. Ce qui était rigolo, c’est qu’on nous reprochait qu’il manque de l’aventure de l’enquête à cette histoire, que ce soit une seule journée. Alors que c’est ce qui m’a plu dans ce récit !

Marzena : L’intrigue est centrée sur les sentiments, c’est pour cela que l’épilogue raconte le premier amour du héros. Quand je fais des rencontres scolaires et que je parle d’amour, tous les enfants rigolent ou sont gênés car tout le monde connait ça… Et je leur dit, qu’à n’importe quel âge on apprend à gérer l’amour : c’est l’éternel recommencement.

Vous avez d’autres projets ensemble ?

Aude : On a une idée et Marzena a deux semaines pour l’écrire avant qu’on se revoit. On partira peut-être sur l’adolescence, pas du tout dans le même univers.

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