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Rock’n’roll Trip

Amoureux du rock’n’roll, Baru écrit The Four Roses pour le trait dense de Jano. De la France à la Louisiane, Baru revient sur les origines de ce voyage à la bande-son endiablée.

Aux racines du rock’n’roll

Comment est né ce projet de road trip musical ?

Baru : J’avais démarré ce projet, il y a longtemps. Il est question dans le bouquin d’un musicien, King Automatic, qui existe vraiment. A force de se croiser dans des concerts, on a commencé à sympathiser, surtout que j’aime bien son côté roots en matière de rock’n’roll. Comme il fait tout seul, je me suis dit que c’était un personnage intéressant pour une histoire.

Et puis quand j’étais président du jury à Angoulême, on avait édité un double CD avec des illustrations pour chaque titre, Rock ‘n’ Roll antidéluvien. Et pour cela, j’avais remis l’oreille dans les piles de vieilleries que j’ai chez moi. J’ai plein de vieux albums d’artistes oubliés : j’adore la candeur et la naïveté qu’il y a dans le rock de cette époque. Et dans ces albums, il y avait un morceau de Johnny Jano, Havin’ a Whole lotta fun. Les débuts du rock’n’roll, ce frémissement, cette fraîcheur m’ont fait dire que c’était un autre personnage d’histoire.

Au bout d’un moment, toutes ces pistes que je gardais ont fini par s’agréger quand on a décidé de faire une histoire avec Jano au dessin et moi au scénario ! C’est une rencontre entre mon goût pour le très vieux rock et l’envie de faire quelque chose sur l’origine du rock’n’roll en France avec King Automatic comme lien. Il ne me restait plus qu’à trouver une histoire romanesque, que je voulais assez légère pour le trait animalier de Jano.


Pourquoi votre avertissement anti-autobiographie ?

Depuis que je fais des BD, je suis quasiment le parangon de la bande dessinée autobiographique. Alors je suis le contraire : je suis un menteur professionnel ! Quand je dis « je », ce n’est pas du tout parce que je parle de moi, ça n’intéresse personne. Ca renvoie à une réalité, celle d’une société. J’en ai marre de me justifier là-dessus, d’où la préface qui dit que Jano, le dessinateur, n’a rien à voir avec le musicien etc.

Quant à la préface que j’ai dessinée, elle est née à la fin : quand tout était fini, je me suis rendu compte que toute l’histoire est construite sur le fait que des Américains étaient stationnés en France après guerre et ont influé sur les régions où ils se trouvaient. Aujourd’hui qui est-ce sait qu’entre 60 000 et 90 000 soldats américains pendant presque 27 ans ? Si tu ne sais pas ça, tu es perdu : pourquoi cette fille là, pourquoi elle est partie ? Il me fallait donc expliquer ce qui se passe : Jano n’avait pas le temps, donc il m’a dis de me démerder. Donc je l’ai dessinée.


Et dans toute la BD, vous avez introduis cette musique venue des Etats-Unis...

Pour choisir les morceaux, j’ai pioché dans ma tête. Par exemple, j’adore You never can tell de Chuck Berry, même si Tarentino l’a utilisé dans Pulp Fiction. J’avais vaguement entendu une version en cajun [en patois de Louisiane N.D.L.R.] et comme il me fallait la mettre au moment des retrouvailles, j’ai quasiment inventé Mabell, la tante accordéoniste, rien que pour ça !


Et comment avez-vous créé des dialogues cajun pour vos personnages ?

J’ai hésité pendant longtemps mais finalement l’économie de temps a joué. Je voulais demander à un spécialiste du cajun qu’il me tourne les phrases parfaitement. Mais vu que c’est devenu très vite compliqué et chronophage, j’ai lâché cette idée pour faire de l’à peu près en me servant des choses types qui reviennent chez James Lee Burke, comme « Podna ». Tu vois ce que veut dire ce mot mais es bien incapable de le traduire, ça donne en tout cas une belle musique au récit.


La Louisiane en hommage

Vous avez utilisé un ton très léger pour ce voyage en Louisiane…

La mauvaise mère qui est partie en abandonnant sa pauvre fille, on aurait pu faire pleurer dans les chaumières avec cette histoire… Ca aurait pu être un mélo ou un psychodrame mais ce n’est pas ce que je voulais pour Jano. Le ton devait rester léger, même si j’ai ajouté quelques références à James Lee Burke [L’auteur de polars se déroulant souvent en Louisiane N.D.L.R.], pour le plaisir de mettre en avant un auteur que je porte aux nues.

Au début, je voulais faire voyager l’histoire au fin fond de chez les ploucs, dans le Montana par exemple, mais on se retrouve en Louisiane parce que Johnny Jano, le chanteur, en est originaire. Je suis allé volontiers en Louisiane parce que ce n’était pas moi au dessin. Pour l’histoire, j’ai pris les bouquins de Burke et j’ai créé un parcours avec le nom des rues et j’ai cherché sur Google Earth. Mais il en manque juste quelques ruelles où Google n’est pas allé… Mais je ne pense pas que Jano, le dessinateur, ait déjà mis les pieds en Louisiane. Lui c’est plutôt l’Afrique.

Comment avez-vous travaillé avec Jano, justement ?

La dernière fois que j’ai fait un travail avec un autre dessinateur, Pierre Place, sur Le Silence de Lounès, je lui ai livré un manuscrit et il s’est démerdé. Il a mis en scène l’histoire.

Jano, lui, m’a explicitement demandé de faire le découpage. Je lui ai dit de prendre ses libertés et de faire du Jano avant tout. D’habitude, il adore les plans larges pour pouvoir saturer ses dessins. Moi j’alterne plus entre les plans et c’est ça qui a dû lui donner envie de travailler avec moi.

Comment avez-vous composé les 4 personnages principaux ?

Les 4 personnages sont arrivés ensemble. A la base, Rose avait tout lâché en France pour suivre son rock’n’rolleur et même finir putain ou alcoolique. Mais comme j’ai Jano au dessin, il me fallait quelque chose de plus léger, d’où les gamins ! Il me fallait donc qu’elle envoie chier son mari car il s’est remis au country et deviendra la mère poule de plusieurs enfants, chacun d’un père différent. Le titre est arrivé vite avec les 4 enfants et ensuite j’ai fait un alcoolique dans la fratrie pour le clin d’œil !

Rose va anticiper ce qui va arriver en France à la fin des années 60 grâce au rock’n’roll. Quand on sait qu’à l’époque les filles avaient peu de liberté et elle, elle abandonne sa fille pour suivre un musicien : la vraie mauvaise fille ! Elle va exulter avec le rock’n’roll, où elle peut danser tout son soûl. La révolution sexuelle avant l’heure !

Quel sera votre projet suivant ?

Ce sera une saga familiale, très longue : Bella Ciao. Le titre vient de la chanson de travailleurs qui contestaient dans les rizières de la vallée du Pau puis a changé pour devenir l’hymne de la résistance italienne. Cette chanson incarne bien tous les clichés collés aux Italiens, qui souvent la déteste, mais un peu moins que O Sole mio. Il va être question de cette chanson-là mais surtout du prix à payer pour immigré italien pour devenir transparent. Tout ce qu’il faut ou qui va se gommer, ce que tu vas laisser comme empreinte sur un paysage, des mentalités.

Ce sera en 400 pages environ chez Futuropolis, donc en 3 ou 4 tomes, dont le premier courant 2016. Ce sera probablement ma dernière BD !

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