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Une brève histoire du temps

Quelque part sur la banquise, un homme et une femme s’aiment. Lui vient du pôle Nord, elle du pôle Sud. Mais leurs corps se repoussent, ils ne peuvent se toucher. Alors ils se racontent des histoires au coin du feu, l’un en face de l’autre. Des contes imbriqués dans d’autres contes. L’Encyclopédie des débuts de la Terre nous raconte comment était le monde d’avant. Quand les dieux marchaient à nos côtés. Quand la magie était partout.

Mythes, légendes et poupées russes.

L’Encyclopédie des débuts de la Terre est votre premier album, qu’est ce qui vous a décidée à devenir auteure de BD ?

Isabelle Greenberg : J’ai étudié l’illustration, mais j’ai toujours aimé écrire. Mélanger ces deux passions s’est donc vite imposé à mes yeux. En Angleterre, je lisais Astérix et Tintin quand j’étais plus jeune mais je ne pensais pas que je pourrais faire de la BD. Je croyais que je n’étais pas une assez bonne dessinatrice pour faire du dessin réaliste. Puis un jour j’ai découvert Marjane Satrapi et David B. et je suis vite tombée sous le charme de ce type de dessin, en découvrant que je n’étais pas obligée de dessiner de manière réaliste pour faire de la BD . C’est un véritable honneur d’être publiée en français : mes BD favorites sont françaises !

Comment vous est venue l’idée de L’Encyclopédie des débuts de la Terre ?

C’est une version imaginaire des récits d’origines du monde que nous connaissons. Je crois que la première chose qui me soit venue à l’esprit était le Dieu-Oiseau, Homme-Aigle et ses enfants les Corbeaux, Gamin et Gamine. Je voulais d’ailleurs appeler la suite Birdman (le nom du Dieu-Oiseau en version originale N.D.L.R.), mais avec la sortie du film du même nom, ça n’est plus possible.

La première histoire qui me soit venue, c’est L’Amour par climat très froid, qui ouvre l’album, mais je ne me souviens plus exactement comment elle m’est tombée dessus ! C’est l’histoire classique de deux amoureux retenus chacun de leur côté, amenée une étape plus loin. Je l’avais écrite pour un concours pour remporter le contrat d’édition qui m’a permit de faire publier ce premier album !

Quelles sont les sources mythologiques qui vous ont le plus inspirée pour cet album ?

À la base, j’étais surtout intéressée par la mythologie grecque, principalement L’Illiade et L’Odyssée. Mais pour L’Encyclopédie, j’ai commencé par écrire plusieurs histoires basées sur l’Ancien Testament. Puis en faisant des recherches sur différents folklores et mythes, je me suis rendu compte que beaucoup d’histoires des origines se croisaient...

Beaucoup de passages de l’Ancien Testament ont des thèmes proches d’autres mythes, d’histoires de fées, du petit peuple, ou d’origine du monde. J’aime ces histoires parce qu’elles sont très humaines, peu importe de quelle culture elles proviennent, elles ont une portée universelle. C’est ce qui me fascine : que différentes cultures aient inventé la même histoire.

Comment avez-vous fait votre choix ?

Je me suis inspirée des histoires qui me plaisaient, celles qui s’intégreraient le mieux dans la narration, bref celles qui me permettaient d’écrire ces histoires au mieux ! Souvent je faisais des recherches et je me disais simplement «cette histoire est incroyable, je veux m’en servir !»

Les mythes et légendes des Indiens d’Amérique ont-elles été une source d’inspiration particulière ?

Oui, elles m’ont notamment inspiré le Dieu-Oiseau ! Je ne me suis pas inspirée directement de ces mythes pour écrire mes histoires, mais  je me suis par contre beaucoup inspirée de la manière dont ils sont racontés. L’histoire du conteur surtout, qui en imbrique plusieurs autres, a été très inspirée par ces récits. C’est aussi une forme d'histoire que j’aime beaucoup comme de petites poupées russes !

Pourquoi les dieux fabriquent des choses ?

Que représentent pour vous le Dieu-Oiseau et ses corbeaux ?

Ils ne représentent pas la Trinité, mais je pense que c’est à cause de cette référence qu’ils sont trois. Ils sont avant tout une famille. A la manière des dieux grecs, il sont assez humains : ils tombent amoureux, ils parlent aux humains, ils démarrent des guerres. Je voulais mettre en scène ce type de divinités plutôt que la représentation sans visage, et finalement presque abstraite, d’une religion monothéiste. On peut se sentir liés à eux. Je voulais qu’il soit clair qu’ils ne sont pas humains mais qu’ils se conduisent comme leur création.

Ils créent d’ailleurs le monde parce qu’ils s’ennuient…

Oui c’est vrai. Je me suis demandé ce que ferait un dieu. Je pense qu’il créerait des choses pour les mêmes raisons que nous, pas tant parce qu’il s'ennuie mais parce qu’il y a un instinct de création. Je ne vois pas pourquoi un dieu en serait dépourvu !

Comment avez-vous créé ce personnage du conteur ?

Il est paradoxalement l’un des personnages les moins développés. Je dirais qu’il n’est pas basé sur une personne en particulier, contrairement à d’autres personnages. Mais c’est volontaire, je ne voulais pas lui donner une personnalité trop forte parce que son rôle est en quelque sorte de refléter les personnalités des histoires qu’il raconte.

Avez-vous quelques exemples de personnages basés sur des personnes de votre connaissance ?

Le Grand Dag, c’est ma grande soeur ! [rires]

Cette histoire entre les Dags et les Hals est-elle une sorte de parabole d’Abel et Cain ?

Oui effectivement. Il y a beaucoup d'histoires sur les relations entre frères (et soeurs !) dans la mythologie. C’est l’un des thèmes les plus universels au monde, et il y a une raison à cela. En réalité c’est une histoire, à la fois passionnante et bizarre, qui peut amener chacun à s’interroger sur ces relations et sur sa propre dualité.

On ressent malgré tout une portée humoristique dans ces histoires…

Tout à fait ! Je n’y pensais pas particulièrement au début, mais rapidement, ces petites touches d’humour se sont imposées à moi, surtout dans les dialogues entre personnages. Je ne voulais pas qu’ils soient trop dignes, trop retenus dans l’expression de ce qui les rend humains !

Comment avez-vous travaillé l’aspect graphique de cet album ?

J’aime travailler avec une palette de couleurs limitée et évidemment en noir et blanc. Je voulais aussi changer la couleur dominante en fonction de l’endroit où se trouvent les personnages. Ainsi, les pôles sont glacés et bleus avec une lumière jaune clair délavée. La ville est orange et rouge et les régions britanniques sont grises, bleues et rouges. Je voulais que la couleur donne en quelque sorte l’humeur, l’ambiance de l’endroit. En termes visuels, j’aime beaucoup la peinture médiévale et les manuscrits enluminés dont je voulais reproduire le ressenti.

Quels projets pour l’avenir ?

Je travaille actuellement sur une deuxième bande dessinée, qui devrait sortir courant 2016. Ce n’est pas une suite à L’Encyclopédie des débuts de la Terre, mais elle se situe dans le même univers, vous devriez retrouver quelques visages familiers. Mais je pense que c’est un livre qui offrira un ressenti très différent à la lecture. Beaucoup d'histoires seront basées sur des légendes du petit peuple britanniques, au ton plus sombre. Mais les dieux-oiseaux seront toujours là ! Et j’espère qu’il sera traduit en français !

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