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Une Lolita coriace !

Delphine Rieu a scénarisé Lolita HR. Cette idée l’a menée à une décennie de combats pour finir cette série de science-fiction qui parle de totalitarisme, de robots et de rock ! Elle revient pour nous sur l’épopée de sa série et de sa maison d’édition crée pour l’occasion.

10 ans de résistance…

Comment a débuté Lolita HR ?

Delphine Rieu : Quand j’ai commencé à écrire cette série, je l’ai fait pour un format de 48 pages couleurs, car à l’époque, il y a 10 ans, quand tu voulais faire de la science-fiction, c’était un peu le format officiel… Les romans graphiques, plus longs, étaient, eux, centrés sur le domaine de l’intime.

Comme le dessin de Javier Rodriguez avait été refusé car il faisait « trop américain », on a sauté sur l’aubaine de faire du manga à l’européenne pour les Humanoïdes associés : on a revu le format et on est partis ! 160 pages, c’est un bonheur : on a tellement plus de liberté ! On est pile entre le manga, le comics, le roman graphique, digérés et utilisés.

Quelles furent les péripéties de cette série ?

La série Lolita HR est sortie deux fois chez Les Humanoïdes associés. Les deux premiers tomes sont sortis une première fois en 2007 en petit format dans la collection Shogun. Comme ça ne marchait pas trop, alors qu’on était en train de bosser sur le troisième tome, on a changé de format pour en faire un roman graphique. On a aussi changé de titre c’est devenu A.doll.A.

En 2009, Les Humanoïdes associés ont tout arrêté. On s’est retrouvés avec les tomes 1 et 2 ainsi que le troisième tome fait aux trois quarts. On voulait vraiment finir notre histoire mais comme les deux premiers tomes étaient déjà sortis deux fois, on savait que ce serait compliqué de repasser par un éditeur traditionnel. En plus, je voulais un beau format de livre avec du beau papier, car j’étais dégoutée de la dernière édition, faite en Chine et terriblement ratée au niveau couleur et finition.

J’ai donc fondé ma structure et demandé à des amis de faire des livres pour moi… Entre temps, j’ai aussi dû changer de dessinateur, car Javier Rodriguez a travaillé de plus en plus pour Marvel. De coloriste, il est peu à peu devenu dessinateur sur plusieurs séries comme Spiderman, Dardevil, ce qu’il ne pouvait pas se refuser. Natacha Bustos a pris la relève, en arrivant très bien à imiter son style. D’ailleurs elle se libère beaucoup en imitant le style de Javier : elle a fait les planches à une vitesse hallucinante !

Et comment est née ton envie de devenir éditrice ?

J’ai monté la maison d’édition pour voir du monde, car depuis que je suis auteur, je vis enfermée chez moi… Je voulais prendre l’air, voir du monde… Comme je suis coloriste, je savais à quoi devaient ressembler les fichiers à livrer à l’imprimeur. Donc faire des livres c’est pas trop compliqué pour moi, c’est vendre le souci ! Quand je me suis lancée, je ne savais pas trop si ça allait marcher mais il s’avère que la maison ne perd pas d’argent, elle en gagne même un petit peu. Ca marche donc de faire de beaux livres pas trop chers !

Comment as-tu créé le personnage central de Lolita HR ?

Mon idée de départ était « Peut-on faire d’un personnage sans aucune conscience un héros de BD ? ». Le robot allait parfaitement dans ce rôle de coquille vide, puisque ce sont les autres qui lui donnent sa personnalité en le faisant bouger et parler à leur manière. Je suis partie sur une femme robot. A l’époque comme modèle de femmes robots, il y avait Galli dans Gunnm, les poupées de Sky-Doll, la femme artificielle de Cybersix.

Rock et dictature

Comment as-tu composé ton univers ?

La musique est arrivée dans l’histoire comme toile de fond, car j’adore ça et Javier aussi. Comme mon héroïne devait être connue, je l’ai faite rock star pour que tout le monde veuille s’en servir pour faire passer les messages. Je me suis beaucoup amusée à écrire les textes de chansons comme des respirations dans le récit.

Il me fallait aussi exclure une partie de la population. Comme le dit le dictateur, il faut une peur pour souder la population. Je voulais que ce ne soit pas sur un critère religieux ou racial, je voulais situer la peur ailleurs, pour prouver que ça peut naître de n’importe quelle différence. J’ai donc choisi la maladie qui transforme les gens.

Comme on avait un univers dans un futur, on a créé un univers SF presque années 70. On assume ce côté vintage car on s’est beaucoup amusés avec les codes : les robots qui ont l’air de robots, les voitures volantes.

Et vos inspirations pour créer le dictateur ?

Le nom de Néponine est un mélange de népotisme et Staline. On sait de ce personnage uniquement qu’il est au pouvoir depuis une quinzaine d’années. On le connait très peu car je ne voulais pas le rendre humain. Si on explique d’où viennent les personnages, on les rend plus humains. Beaucoup de personnages sont très noirs mais deviennent attachants dans cette série mais pas le dictateur.

Après j’ai pioché un peu partout : pour la réinstauration du bon goût, j’ai carrément pioché dans le programme présidentiel du FN de 2001. J’ai repris ça en me disant intérieurement « C’est quoi le bon goût pour le Front National ? » J’ai d’ailleurs gardé ce programme ! Quant au gène de la mélancolie de la petite Florence, je l’ai piqué dans un discours de Nicolas Sarkozy à son arrivée au pouvoir. L’histoire est terriblement cyclique…


Certains de vos morceaux sont devenus réels…

Quatre morceaux sont déjà enregistrés et un clip est déjà tourné. De nouveaux clips arrivent d’ici fin d’année ! Et on a déjà fait des concerts ! MSL JAX chante ces chansons sur scène : ils font leurs morceaux et à la fin une chanteuse à perruque bleue monte sur scène pour chanter ceux de Lolita HR. Le prochain concert se déroulera pendant Spiderland, un festival de musique d'Angoulême. Le but c’est de s’amuser avec l’univers !

Vous montez aussi une exposition…

On monte une exposition sur comment un auteur invente un univers totalitaire et la résistance, en l’occurrence celui de Lolita HR. On exposera les documents historiques dont je me suis inspirée. Mais on expliquera aussi comment on a résisté en créer notre maison pour finir notre histoire. En principe, cette exposition sera présentée à Spiderland et peut-être après au musée de la Résistance d’Angoulême.


Et quels sont vos projets à venir ?

Je suis toujours coloriste et éditrice à la fois, donc ça me prend du temps ! J’ai écrit un livre pour enfants qui sort cette année pour ma maison d’édition. Je fais aussi les couleurs de deux nouvelles séries : Infiltrés chez Quadrants avec Olivier Thomas au dessin, Sylvain Runberg et Olivier Truc au scénario et une autre série sur les voitures, enfin plus exactement un tome sur les 2CV avec Ozanam au scénario et Bruno Lachard au dessin. J’édite aussi quatre livres d’enfants dont un deuxième Mimo, sans compter la promotion de Lolita HR.

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