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Fab Caro, élevé par Fluide Glacial

Quelques mois après la sortie de Parapléjack aux éditions de La Cafetière, nous avons pu échanger avec Fabcaro sur la genèse de ce paraplégique qui s’ignore ! De l’aventure Mauvais Esprit jusqu’à sa reprise d’Achille Talon, retour sur les derniers évènements d’une carrière déjà bien remplie !

Un fauteuil sur ses pantoufles

Comment a commencé l’aventure de Parapléjack ?

Fabcaro : Le personnage est né pour la revue Mauvais Esprit, où le but est évidemment de faire... du mauvais esprit ! Je voulais faire des strips, le but était de faire quelque chose de grinçant. Le nom m’est venu d’un coup un jour et le personnage a suivi directement avec quelques idées de strips.

Je ne savais pas trop où j’allais au début. Rapidement, ça m’a mené à ce personnage en déni complet de son handicap. Ce n’est pas pour se moquer du handicap bien sûr, c’est pour se moquer du déni, quel qu’il soit !

Comment as-tu créé le personnage ?

Visuellement il m’est venu très vite aussi. Après quelques strips, je me suis rendu compte que les paraplégiques n’avaient plus de fauteuils comme cela, c’est complètement irrationnel ! J’ai d’ailleurs croisé des gens en dédicaces, handicapés ou qui travaillent dans le handicap qui m’ont fait remarquer qu’il était plutôt tétraplégique !



Pourquoi ce détachement du personnage sur sa situation ?

C’est ça que j’aimais chez lui, il n’est pas déprimé. Il nie son handicap et il est heureux de vivre, il se sent intégré. Je voulais vraiment un personnage léger, un peu candide, qui n’est pas au courant de son handicap, ce que je trouvais drôle !

Alors pourquoi l’envoyer chez le psy ?

Ça me faisait rire de l’imaginer allongé avec son fauteuil, c’est cette position qui m’a fait penser à ces situations ! Cela me permettait d’aborder aussi son enfance, son passé et son déni ! Pour lui, il n’y pas de fauteuil roulant, s’il a un accident, il prend des béquilles, s’il rentre chez lui, il met des chaussons sur ses roues pour se détendre. [rires]


Pourquoi ne voit-on jamais sa famille d’ailleurs ?

C’était assez improvisé ! Je devais livrer deux strips par semaine et je n’avais pas envie de développer une histoire de fond trop poussée, mais je trouvais ça rigolo qu’ils aient tous exactement le même handicap !

Les thèmes que tu évoques restent très universels, l’adolescence, la vie quotidienne, etc.

L’adolescence c’est un moment où tu te sens différent, où tu veux, ou pas, ressembler aux autres. Le potentiel comique était démultiplié avec un personnage comme Parapléjack puisqu’il est dans le déni complet de sa différence. Il se voit comme quelqu'un d’atrocement normal !

Penses-tu continuer Parapléjack ?

Je pense avoir fait le tour du personnage, j’ai dû étirer le concept pendant plus de cent strips. Continuer finirait par affaiblir le personnage, c’est en quelque sorte pour en clore le cycle que j’ai voulu sortir l’album.


Pourquoi ce format strip ?

J’adore ce format ! J’ai commencé par le strip dans des fanzines, en 3 cases. J’aime ce format pour son efficacité. Dégraisser au maximum pour faire rire est un processus naturel chez moi. J’ai d’ailleurs du mal à faire des récits longs ! Alors que je me sens très à l’aise sur un format 3 cases ou sur une demi-page.

Ton style de dessin est assez inhabituel pour un format strip…

J’adore le noir et blanc ! J’ai fait des projets couleur mais je suis beaucoup plus attaché au noir et blanc. Je ne sais pas trop comment le décrire, mais je me sens très à l’aise dans ce type de dessin. Je n’ai pas un trait net, je ne dessine pas dans l’esprit de la ligne claire. C’est probablement lié à un certain tempérament !

Est-ce que tu as des influences particulières ?

Pour le format strip, je dois dire que j’ai sûrement beaucoup d’influences mais je ne saurais pas les donner précisément. Mais j’ai été élevé à l’humour Fluide Glacial, j’aime beaucoup Goossens et Bouzard notamment, ce genre d’humour assez noir et cru.

De Mauvais Esprit à Achille Talon

Comment te viennent les situations dans lesquelles tu places tes personnages ?

Fabcaro : De manière générale, mes idées de strips me viennent de l’observation. Pour Parapléjack, j’ai du pousser ça très loin, mais j’invente presque toujours à partir de ce que je vois. C’est presque maladif, quand je me balade dans la rue, je peux pousser presque toutes les situations pour essayer d’en tirer quelque chose, tout peut devenir drôle !

Peux-tu nous parler de ton expérience à Mauvais Esprit ?

C’était très sympa, c’est vraiment dommage que la revue se soit arrêtée. Le principe, c’était de faire de l’humour noir et grinçant en format court ! Voilà pour la recette de base. C’était hebdomadaire, ce qui obligeait à jongler très vite entre les idées. À terme, on aurait aimé faire une édition papier... Heureusement, la plupart des auteurs qui y travaillaient ont faire sortir leurs gags en albums d’autres éditeurs !

Récemment, tu as travaillé sur un gros projet, Achille Talon, peux-tu nous en parler un peu?

Quand j’ai été contacté par Dargaud pour reprendre la série, j’étais super content ! J’adore le personnage d’Achille Talon, j’ai dévoré la plupart de ses albums étant jeune. A priori ce n’est pas mon univers graphique, mais on ne me demandait pas de dessiner. Et puis je ne pouvais pas refuser ! Donc j’ai foncé sans me poser de questions ! Ce n’est qu’après avoir accepté que j’ai commencé à m’inquiéter en réalisant que, quand même, c’est Greg, c’est Achille Talon et ça n’est pas rien ! [rires]

La contrainte de Dargaud était de respecter l’esprit de Greg tout en modernisant le personnage. L’idée était de prendre Talon, de le placer en 2015 et de le confronter à notre époque, avec son évolution technologique mais aussi sociale. Hécatombe par exemple, la femme de ménage de Virgule, est homosexuelle. Mon obsession était de ne jamais trahir l’esprit de Greg, de me demander ce qu’il aurait fait à ma place, et je pense que l’homosexualité est un thème qu’il aurait fini par aborder à un moment ou à un autre.

À l’inverse, je n’ai pas essayé de trop « faire du Greg » parce que c’est impossible ! C’est un très grand scénariste avec un verbe incroyable, il est inimitable. J’essayais de respecter son esprit au maximum mais je sais que je ne peux pas l’imiter !

Visuellement, comment voyais-tu l’Achille Talon de 2015 ?

Je n’avais pas trop de desiderata sur le graphisme du personnage, c’était plutôt du côté de l’éditeur. Le personnage devait évidemment être respecté visuellement, tout en modernisant le trait !

As-tu eu beaucoup de contraintes dans ton travail sur le personnage ?

Au-delà du respect de l’esprit de Greg, aucune ! J’avais déjà publié un livre chez Dargaud, l’équipe était donc familière avec mon univers. Donc j’ai eu la chance qu’ils me fassent confiance sur la reprise du personnage, ils m’ont laissé faire ce que je voulais !

Quels projets pour l’avenir ?

Déjà, évidemment, le deuxième tome d’Achille Talon ! J’en ai écrit une bonne moitié à l’heure actuelle. J’ai aussi un projet burlesque pour les éditions de La Cafetière, mais avec les évènements autour de Charlie des derniers mois, la réalité a un peu rattrapé le burlesque ! Sinon j’ai un album de strips en demi-page qui sortira chez Vide Cocagne en mai ou juin !

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