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Florent Chavouet, le Fauve Polar raconte sa première enquête

Récompensé du Fauve Polar 2015, Florent Chavouet signe avec Petites Coupures à Shioguni une première fiction policière remarquée. Sa présence au festival d’Angoulême a été l’occasion d’enquêter sur les origines de cet album original...

Votre troisième album est aussi votre première fiction!?

Mes deux livres précédents étaient des carnets de voyage, où je naviguais entre la BD, le carnet de voyage et le guide. Mon premier bouquin raconte mon séjour de 6 mois à Tokyo. J’ai tout de suite enchaîné avec un deuxième livre dans le même esprit, j’y dessine mon quotidien, je raconte ce qui se passe devant moi, les bâtiments, les gens, les anecdotes, mais cette fois sur une toute petite île « perdue » du Japon. Après avoir fait un bouquin sur la ville, je voulais faire l’opposé et raconter la campagne, que je préfère.

Quel était votre objectif pour Petites Coupures à Shioguni ?

Au départ, changer. Avec mes deux carnets de voyages qui se répondaient, j’avais le sentiment d’avoir clos le sujet. Je voulais passer à autre chose, tout en restant au Japon. J’ai toujours eu envie de voir si j’étais capable de raconter une histoire, je me suis donc imposé ce défi. Le genre du polar s’est imposé parce que je voulais dessiner des paysages urbains nocturnes, la rue, des gargotes, des petites gens, des bras cassés.


J’ai essayé de bricoler une histoire avec deux-trois anecdotes, je me suis inspiré de choses vues ou racontées, que j’ai exagéré. Je ne sais pas si au final c’est un polar mais c’était l’esprit : cela se passe la nuit, il y a des voyous, des flics, des petites embrouilles.

Votre mise en page alterne les séquences racontées selon plusieurs points de vue et des pages de carnet, le lecteur est quasiment enquêteur…

Je voulais garder la liberté que j’avais dans mes deux précédents livres où les récits étaient non linéaires. Il y a un aspect carnet d’enquête avec des pages où l’on voit des annotations, des indices, des tickets de caisse scotchés, des petits croquis vite faits.

J’ai voulu hacher le récit entre des séquences classiques, les pages de carnet et les témoignages de personnages qui racontent ce qu’ils ont vu. Je navigue entre les trois strates de narration, ce qui fait peut être un récit parfois un peu difficile à suivre. Il y a des contradictions entre ce que certains disent et ce que d’autres ont vu.

Je voulais que le lecteur fouille un peu, regarde les horaires notés par le policier, qui était où... C’était aussi un moyen de brosser une galerie de personnages.

Graphiquement, ça n’est pas du manga, ni du franco-belge, ni du comics, mais aussi un peu les trois...

Même si le format peut rappeler le manga, ça n’a rien à voir. Le manga n’est pas ma source d’inspiration, il y a une grosse différence entre ce que je lis et ce que je fais. Je ne sais pas d’où sortent mes influences, je n’ai pas le recul nécessaire, c’est plutôt au lecteur de le définir.

Mon style est né avec mon premier livre, quand je dessinais dans la rue. Je ne faisais rien à partir de photos, chaque bâtiment était réalisé sur un trottoir ou derrière les vitrines des commerces quand il pleuvait. J’ai élaboré ma technique comme ça : je me suis mis aux crayons de couleur parce que c’était le plus pratique, ce n’était pas cher, il n’y a pas besoin d’eau, ni d’attendre que ça sèche.

Pour la fiction, j’ai pu évoluer. Il y a beaucoup d’encre et d’aquarelle puisque j’avais besoin de couleurs assez sombres pour les atmosphères nocturnes. Mais je repasse toujours par-dessus avec des crayons de couleurs et je bricole avec un peu de feutre et de stylo.

Aujourd’hui, quels sont vos projets ?

Je suis sur une commande, pour la collection du Musée du Louvre et Futuropolis, que je dois rendre en juillet avec une sortie à la rentrée. Je retourne sur quelque chose de plus proche de mes deux premiers livres : je vais au Louvre, dessine et note ce qui se dit. Après on verra, je n’aime pas voir trop loin.

Pour des carnets de voyage, les sujets qui m’intéressent dans l’immédiat restent en Asie : soit la Corée, soit Taïwan. J’aimerais aussi parler de la frontière sud de la Guyane et dessiner la forêt vierge. L’idée de mettre une frontière au fin fond de la forêt me fascine ! Mais c’est un projet personnel qui ne fera pas avant longtemps.

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