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La Fiction de la ville de François Schuiten et Benoît Peeters

Benoît Peeters et François Schuiten ont sorti Revoir Paris, un récit d’anticipation à l’origine d’une exposition à la Cité de l’Architecture. À l’occasion de l’ouverture de l’exposition, les auteurs nous expliquent leur travail sur ce projet ambitieux, entre architecture et bande dessinée.

Raconter la ville

Quelle a été la genèse de ce double projet d’exposition et d’album ?

François Schuiten : Au départ, il y a toujours une envie de récit, d’histoire et d’images, qui est chez nous le moteur de la création. Il y avait surtout une histoire particulière entre Paris et nous, que l’on avait déjà tenté d’aborder, et qui a fini par devenir une nécessité impérieuse.

Benoît Peeters : Le titre, arrivé de suite, a aimanté les idées pour l’album. Très vite, nous sommes allés voir la Cité de l'Architecture pour de la documentation. Le projet d’exposition s’est monté presque immédiatement et a nourri notre réflexion autour de l’album.


Pourquoi avoir fait de Revoir Paris un récit d’anticipation ?

François Schuiten : Benoît était convaincu dès le début qu’il ne fallait pas en faire une Cité Obscure. J’ai douté un peu plus longtemps, je trouvais que l’album avait le « goût » des Cités Obscures. Finalement c’est une bonne décision, parce que cela permet d’aborder la ville plus directement, de lever l’ambiguïté sur son identité.

Benoît Peeters : En faire un récit d’anticipation a simplement changé notre travail habituel sur l’espace en un travail sur le temps.

Vous aviez déjà évoqué Paris dans les Cités Obscures à travers le récit inachevé Les Mystères de Pâhry. A-t-il nourri ce nouvel album ?

Benoît Peeters : Pas du tout ! On est repartis de zéro, en s’appuyant sur les illustrations de François pour Paris au XXe siècle, la station Arts et Métiers, les dessins pour le Grand Paris, etc. On voulait rendre l’album accessible, que le lecteur n’ait pas à connaître notre univers.

François Schuiten : On voulait même s’éloigner le plus possible de ce que l’on avait déjà fait dans Les Mystères de Pâhry. Reprendre cet héritage aurait été une contrainte trop importante pour l’écriture de l’album.

Comment la couleur s’est-elle imposée pour cet album ?

François Schuiten : La couleur s’est imposée immédiatement parce qu’elle donnait du sens à l’album. En revanche, pour l’exposition, j’ai retravaillé certaines planches de Revoir Paris en noir et blanc. Je voulais donner un autre point de vue sur l’album. Alterner le noir et blanc et la couleur me demande de m’interroger à chaque fois sur ce que chaque technique apporte au récit.

Comment avez-vous construit le personnage de Kârinh ?

François Schuiten : Elle est apparue au fil de nos conversations. Sa personnalité rebelle, son décalage avec l’endroit qui l’a vue grandir et son caractère difficile se sont imposés naturellement à nous.

Benoît Peeters : On veut souvent rendre ses personnages sympathiques rapidement mais j’aime rendre progressivement attachant un personnage moins évident pour que l’on ait envie de le comprendre.

Sa dépendance à l’immersion dans Paris nous sert aussi à montrer que, malgré tout ce que François et moi aimons dans l’idée de l’utopie, elle peut aussi être dangereuse lorsqu’elle est réduite pour les individus à un simple moyen de se projeter hors du réel.

Son vaisseau semble pensé comme une ville ou une planète. Comment l’avez-vous travaillé ?

François Schuiten : On voulait casser certains clichés visuels. Si je me sens incapable de rivaliser avec les designs les plus poussés du cinéma américain par exemple, j’ai essayé d‘évoquer l’aboutissement de ce que pourrait être pour moi une société scientifique. Progressivement la biologie et la technologie s’y mêleraient, d’où l’aspect organique du vaisseau.

Benoît Peeters : Le vaisseau est immense, alors qu'ils sont très peu nombreux à bord. C’est un vieux vaisseau réactivé destiné à l’origine à l’exode de la Terre vers l’Arche. Son immensité, travaillée pour être logique, permet de rendre les scènes à bord plus fortes.

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