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Montmartre 1900, les clichés en moins !

Patrick Prugne s’est pris de passion pour le Montmartre du début XXème siècle. En est née une BD autour des Poulbots. Ces petits gamins des rues tiennent leur nom de Francisque Poulbot qui les a croqués à Montmartre au début du siècle dernier. Patrick Prugne raconte comment est né son one-shot, à la fois hommage au travail d’un dessinateur et à la beauté d’un quartier mythique de Paris !

Des gamins en hommage à Poulbot

Comment as-tu découvert le travail de Francisque Poulbot ?

J’avais déjà croisé son travail dans plusieurs livres mais, il y a très longtemps, au musée Montmartre, je suis tombé sur ses affiches avec des gamins frondeurs, un décor du maquis et le Moulin de la Galette… Je suis tombé amoureux de cet univers.

Fasciné par tous les artistes qui grenouillaient à l’époque sur la butte Montmartre, je voulais faire quelque chose avec tout ça et ces gamins errants de 1900… Et là, les éditions Margot m’ont proposé de faire un album : c’était parti pour Poulbots.

francisque Poulbot en train d'observer la bande de gamins

Francisque Poulbot en train d'observer la bande de gamins

J’ai choisi de ne pas parler directement de la vie de Francisque Poulbot, car à partir d’un moment, il a fini par bien vivre de son dessin, a déménagé et s’est marié. Il avait aussi une sorte de maladie des os de verre. J’ai donc préféré raconter l’histoire fictive des gamins qu’il dessinait. Je trouvais ça plus chatoyant, plus vivant ! Bizarrement, on a tous en tête l’illustration de ces gamins errants en carte postale alors qu’on a oublié le peintre !

Comment est née ta bande de gamins ?

Quand je commence à écrire une histoire, j’écris d’abord le fil conducteur avec pas mal de notes. Ensuite en même temps que je fais le découpage, je crée les personnages. Ils s’imposent d’eux même en fonction de ce qu’ils disent. Je ne peux pas créer d’abord les personnages et ensuite faire les dialogues ! Chacun s’impose avec un charisme qui va avec ce qu’il dit et fait.

Et au milieu de tous ces garçons, tu as ajouté une seule fille !
Manon, la princesse des Poulbots

Manon, la princesse des Poulbots

J’ai créé cette fille de la bande plus âgée, plus mûre. Elle est un peu le garde fou de ces gamins. Elle ne parle pas beaucoup, mais ce qu’elle dit est toujours pertinent. Manon c’est un peu « la princesse du maquis » comme disent les gamins.

Sur le terrain de cette bande débarque Jean, un fils de bourgeois, obligé d’accompagner son père, promoteur qui veut raser un bout du maquis…

Le petit Jean, qui vient de la bourgeoisie, a un père complètement crétin. Il débarque au maquis malgré lui et découvre un autre monde. Il voit Francisque Poulbot dessiner et il se dit, c’est ça que je veux faire. Ce gamin représente vraiment le choc de deux mondes ! Il est super bien dans ce lieu de liberté qu’est Montmartre.

Comment as-tu mené tes recherches pour cet album ?

Je suis souvent venu au musée de Montmartre et aussi sur ce qu’on appelle « le village de Montmartre ». Je me suis baladé là, à humer l’air, voir un peu ce qui s’y passait, avant de lire tout ce que je pouvais sur la Butte. Même si j’avais déjà plein de documentation, je voulais pousser la rigueur plus loin et même retrouver plein de photographies d’époque, puisque ce lieu a changé énormément. Ce n’est qu’une fois toute la documentation réunie que j’ai pu partir sur mon histoire.

De la gouaille avant tout !

Comment tu as fait pour éviter le cliché ?
Le maquis de Montmartre

Le maquis de Montmartre

Je voulais absolument prendre le contrepied du cliché. On voit surtout le maquis de Montmartre, pas les lieux ultra connus comme le Sacré Cœur qui ne cadraient pas trop avec mon histoire. Plein de choses auraient pu faire ce belles cases, le funiculaire de Montmartre par exemple, mais je les ai enlevés au profit du découpage.

La majorité de Montmartre à cette époque là, c’était la campagne ! Et d’ailleurs, je ne l’ai pas fait par oubli, mais je voulais y mettre des poules. Pour compenser cet oubli, ce serait génial qu’un lecteur me demande des poules en dédicace !

Pour revenir à Montmartre en plus d’être la campagne, c’était à l’époque un lieu effervescent, plein d’artistes ! Beaucoup de choses sont parties de la Butte, comme la Commune de Paris ou l’impressionnisme. Je n’ai pu traiter qu’une partie de ce monde. C’était les Poulbots le centre de mon histoire, ces gamins de Montmartre qui vivaient dans ce quartier très pauvre et pas très fréquentable. Il fallait qu’on s’y attache, pas qu’on parcourt en 800 pages l’histoire de Montmartre. On suit bien les enfants, mais il y a quand même des personnages annexes.

Et tes gamins ont la vie dure !

Les enfants que je dessine n’étaient pas super heureux mais je ne voulais surtout pas tomber dans le pathos. Je voulais rester sur quelque chose d’assez frais. On n’élude pas les taloches, les passages tristes mais l’ensemble se veut amusant, léger. Je voulais à tout prix éviter le glauque. Ce qui me plaisait surtout dans ce sujet, c’était la gouaille des gamins, leur côté indiscipliné et ingénu, pas leurs larmes !

J’ai aussi évité d’être trop gentillet, notamment avec pas mal de retours à la dure réalité. Avec l’épilogue, je voulais rappeler combien d’enfants la butte Montmartre a donnés à la guerre. Cette triste réalité est heureusement contrebalancée par le côté grotesque de l’histoire de la vertèbre…

Comment es-tu arrivé à l’idée d’une vertèbre de roi, comme trésor secret du méchant entrepreneur ?

Je cherchais un truc sans valeur pour les gamins mais important pour le père de Jean. J’ai fait des recherches et ai trouvé que des reliques de rois de France exhumées pendant des travaux circulaient un peu sous le manteau.

Partant de là, je ne voulais pas un crâne, car il aurait fait trop morbide. D’où la relique-vertèbre, qui ne s’avère pas être ce que le père croit… Histoire que la chute le ridiculise encore plus. C’est avec ces détails que j’espère faire sourire, malgré le contexte pas facile.

Et malgré une petite entorse historique, tu as gardé le fameux Bibi-la-purée…

Pour lui, j’ai fait une entorse de quelques années à la chronologie, parce que Bibi-la-purée c’était LE saltimbanque de la butte Montmartre. Tout le monde le connaissait, même Picasso. Il étai très ami avec Verlaine, dont il a récupéré la collection de cannes après sa mort.

C’était une sorte de va-nu-pieds qui revendait les cannes de Verlaine pour survivre. C’est pour ça que dans le livre, ce personnage a tout le temps peur pour sa collection de cannes.

Et tes projets futurs ? Une suite pour Les Poulbots ?

Pour l’instant, je n’envisage pas de suite à Poulbots, mais peut-être que dans trois-quatre ans, j’aurai envie de mettre en scène ce que sont devenus les gamins. Pour l’instant, je travaille sur un album pour les éditions Daniel Maghen dont j’ai juste le thème. Je suis en train de chercher de la documentation.

On sera en 1788, durant l’expédition La Pérouse, avec l’Astrolabe et la Boussole qui échouent au large de Manicoro. On sait qu’il y a eu des rescapés sur l’île, mais on ne les a jamais retrouvés. On sait qu’il y a eu un camp français sur l’île, que certains des insulaires étaient cannibales, mais pas plus. La tradition orale dit que les Français ont construit un bateau. Il y en a qui sont partis et apparemment deux qui seraient restés sur l’île avec les insulaires. J’en ferai un one-shot aussi car j’adore ce format !

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