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C’est la patrouille le vrai héros de l’histoire !

Ce titre avec pour toile de fond la guerre de 14, se détache du lot. On commence par les combats aériens pour passer, en accompagnant le destin d'un jeune pilote, dans les tranchées auprès de poilus anonymes. La Patrouille des Invisibles est signée par Olivier Supiot qui a écrit une œuvre hors normes, à son image. Le scénario est original, le dessin violent, porteur d'émotions et de désespoir, les couleurs terribles et pourtant si belles.

« Un salaud reste un salaud »

Quel est le point de départ de cette aventure ?

C’est la lecture du livre de Barbusse sur 14-18, Le Feu, qui m’a motivé par son style d’écriture et la vie au cœur des tranchées. Le choc a été très fort. Le film de Philippe de Broca, Le Roi de coeur, toujours sur la guerre mais plus poétique m’a aussi inspiré. J’aurai aimé l’adapter en BD. J’avais aussi envie de me rapprocher des peintres de guerre de l’époque qui faisaient leur reportage sur le vif retranscrivant la guerre en dessins.

Dans La Patrouille des Invisibles, vous avez deux héros, le pilote abattu et la patrouille de Poilus qui va tout faire pour le ramener à l’arrière.

Je voulais mettre en scène des ambiances. Il y a le jeune pilote abandonné par sa fiancée qui décide de se laisser abattre en plein vol et de mourir. Un suicide… sauf qu’il s’en tire ! Il est grièvement blessé dans son avion qui s’écrase en première ligne. La patrouille le sauve et commence une course contre la mort pour tous.

En fait, le pilote, grâce à eux, va redécouvrir la volonté de vivre. Quand la mort est aussi présente, la volonté des autres à survivre prend le dessus, s’impose. Le pilote apporte une part romanesque, romantique même à l’histoire. Il est le lien entre la patrouille et le drame qui se noue.

Ce drame qui explose en finale de votre album, on ne s’y attend pas.

Oui, sans trop en dire, il a un côté fait-divers qui replace en temps de guerre des actes de temps de paix. Un salaud reste un salaud, même courageux. C’est Titan, l’ancien bagnard devenu un « nettoyeur » de tranchées. Il y a une confrontation entre Titan et Pierrot.

Creuil, un autre Poilu de la patrouille, devient fou, marqué par son passé et les combats. Ils sont tous différents mais ils s’aident. Leur vie en dépend. Dans mon idée de départ, il fallait plusieurs histoires qui se croisaient.

« On a oublié ces troupes coloniales qui se sont sacrifiées »

Pas évident de rendre crédible un tel univers. Ce que vous avez réussi aussi bien pour la part aérienne que les combats dans les tranchées.

Il fallait qu’on y croie. Je me suis documenté. On passait de l’univers des pilotes de chasse à celui des Poilus. J’avais été très marqué par le livre de Joseph Kessel, L’Equipage. Les détails sont importants même si je n’ai pas voulu faire un bouquin pour spécialistes.

On pense à Guynemer qui meurt à 22 ans. Ensuite on rentre dans la boue des tranchées, des tirs d’artillerie, des combats sans pitié. Tous se battent ensemble. J’ai sûrement fait des erreurs graphiques mais je me suis posé un vrai défi car je voulais rester précis.

Titan, le colosse, sort du bagne ?

Il est passé d’un enfer à l’autre, ce colosse. Pierrot a, lui, un peu du capitaine Conan. Le tirailleur que j’ai ajouté à la patrouille est important. On a beaucoup oublié ces troupes coloniales, africaines ou pas, qui se sont souvent sacrifiées. Il apporte sourire et fraîcheur.

Mes personnages se sont mis à vivre au fur et à mesure que j’écrivais. J’ai redessiné des planches, corrigé ce que j’ai pu. J’étais dans le respect de ces hommes dont le sort est tracé. Ils sont passés d’une guerre moyenâgeuse à la pire des guerres modernes.

Ils vont tous avoir des destins tragiques.

Le lecteur le découvrira. Le pilote vit, lui, une sorte de rédemption sur sa civière. En fait, ce n’est pas le héros. Certains soldats ne supportent plus ce qu’ils vivent. Ils finissent par devenir ennemis au sein de la patrouille qui, elle, est le vrai héros de l’histoire.

Combien de temps à finaliser cet album très complet ?

J’ai mis deux ans à le boucler. Je travaille sur un format A3 en couleur directe. Je me suis accroché sur les paysages, les teintes, la désolation, l’environnement quotidien dévasté. J’ai sali mes couleurs. C’était trop propre par rapport à cette tragédie.

Après un tel album, à quel type de BD peut-on passer ?

Curieusement à un livre pour enfants sur la danse contemporaine chez Glénat qui est terminé. Pas évident, je l’avoue. C’est un livre illustré que je signe avec un chorégraphe grenoblois. J’ai vue le spectacle et j’ai été emballé. La sortie est prévue en novembre. Ensuite il y a un projet de collection en BD autour des peintres célèbres. Je ferai celui consacré à Odilon Redon.

Cela dit le travail sur La Patrouille des Invisibles a été épuisant, ce qui ne m’empêche pas d’envisager d’adapter un poème tiré du livre d’Albert-Paul Granier, Les Coqs et les vautours, un pilote abattu en 1917. La Grande Guerre encore mais sous la forme d’un court-métrage d’animation.

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