ZOO

Quand Chantal Montellier faisait sa social-fiction dans Métal Hurlant

L’exposition « 1975-1997, la bande dessinée fait sa révolution, Métal Hurlant et (A suivre) » a vu le jour et déjà attiré 20 000 visiteurs à Landerneau dans le Finistère. Depuis, elle voyage et investit le 28 juin la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, la CIBDI à Angoulême. L'exposition présente quelques planches de Chantal Montellier. Cette dessinatrice de BD féministe et engagée à l'extrême-gauche revient sur sa carrière et son travail au sein de Metal Hurlant pour l’occasion.

L’aventure Métal Hurlant

Comment avez-vous commencé à publier vos dessins ?

Dans les années 1970, j'enseignais les arts plastiques mais comme je n'étais pas pédagogue pour deux sous, j'ai très vite abandonné l'enseignement au profit du dessin de presse politique. Je pense pouvoir dire que je suis la pionnière du dessin de presse politique en France. Ce qui ne m'a pas apporté que des satisfactions...

Pourquoi ?
Chantal Montellier, créatrice du prix Artémisia

Chantal Montellier, créatrice du prix Artémisia

Le dessin de presse et la bande dessinée étaient, et sont toujours, des milieux très machistes. Donc une femme qui débarque et se fait un peu trop remarquer, cela crée, disons... des réactions virulentes. Je vous parle de 1972, 73 et 74! J'avais alors le choix des supports pour m'exprimer : des journaux qui avaient une autonomie, une volonté politique assez forte. Comme par exemple Maintenant ou L'Autre Journal dans lequel écrivaient notamment Marguerite Duras et Michel Foucault, mais aussi des gens méconnus comme Bruno Sulak alors détenu. C'est un journal qui a poussé très loin la réflexion sur le rapport du texte à l'image.

J'ai surtout travaillé à cette époque pour la presse rouge. J'ai été au Parti communiste un moment. Encartée. Je n'y suis plus, même si je vis toujours avec un communiste ! La politique ce n'est pas simple, surtout en ce moment. Ma bataille s'est ensuite déplacée en faveur des femmes, de leur place dans la bande dessinée et l'art en général. J'ai créé l'association Artémisia pour ça, il y a une dizaine d'années.

Quand avez-vous commencé à faire de la BD ?

Je suis venue à la BD via le dessin de presse car j'ai été contactée par Anne Delobel, la lettreuse, coloriste et inspiratrice de Tardi, dont elle est devenue la compagne. C'est elle, entre autres, qui a fait le lettrage et les couleurs des Aventures d'Adèle Blanc-Sec. Elle était aussi la secrétaire d'Ah ! Nana, la petite sœur de Métal Hurlant, et m'a demandée de travailler dedans. C'était une revue dans laquelle ne dessinaient que des femmes, principalement issues de la littérature jeunesse. Il y avait des Américaines, des Espagnoles... des femmes du monde entier, c'était une revue internationale.

Quand et de quelle manière a commencé pour vous l'aventure Métal Hurlant puis (A suivre) ?
Ah ! Nana fait la part belle aux femmes !

Ah ! Nana fait la part belle aux dessinatrices !

Ah ! Nana s’est fait interdire par la censure au neuvième numéro, frappée par une loi de protection de la jeunesse pour une pornographie qu'elle n'a jamais contenue et que je cherche encore aujourd'hui ! Alors que des journaux comme les premiers Echos des savanes ou les albums de Manara contenaient beaucoup plus de sexe, cette interdiction a été très injuste et paradoxale. Bon, il y avait bien quelques couvertures explicites, mais quand même... L'interdiction a tué ce magazine et peu de dessinatrices ont poursuivi dans cette voie et dans la bande dessinée. En tout cas pour les Françaises : la plupart ont disparu en même temps que le titre.

J'ai donc rebondi sur Métal Hurlant, puis (A suivre). Métal Hurlant a d'abord publié certaines de mes histoires courtes, puis entières de social-fiction, comme 1996. C'était de la dystopie (NDLR : il s'agit d'un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur) : c'était le début du tout-sécuritaire, du totalitaire, des caméras partout... Cela parlait à la lectrice fanatique d'Orwell que je suis.

Avez-vous gardé des liens avec Philippe Druillet, Moebius, Bilal, les pionniers de Métal Hurlant ?

Non car je n'ai jamais vraiment été dans cette aventure. On n'a jamais évolué dans les mêmes sphères. Druillet était l'un des fondateurs, il occupait donc beaucoup de place dans la revue. Avec Bilal et Moebius, ils étaient au premier plan, moi j'étais derrière. Et puis j'étais une femme et comme je vous le disais, la BD est un milieu très machiste.

Quand la BD cherche à faire la révolution

Vous écrivez par ailleurs des romans, des récits non-illustrés ?
Chantal Montellier dénonce avec humour grâce au dessin de presse

Chantal Montellier a l'art de dénoncer 
avec humour

Oui, quand on fait du récit graphique, de toute façon on écrit. J'ai commis un Poulpe, un policier pas trop mal je crois, avant que ça ne commence à être redondant. Puis deux ou trois recueils de nouvelles illustrées.

Ensuite, les revues de BD dans lesquelles je pouvais m'exprimer ont disparu et j’ai été très marquée en tant que dessinatrice engagée. C'est une époque de ma vie où je ne cachais pas le drapeau que j'avais dans ma poche. J'ai vécu une traversée du désert de dix ans.

Qu'avez-vous fait pendant ces dix années ?

J'ai mené des ateliers d'écritures, alors qu'à la base je suis dessinatrice. En prison, dans les quartiers, les écoles. J'ai mené plein de projets pour donner la parole aux vraies gens. Puis je me suis remise à publier.

Pourquoi avez-vous choisi de faire de la bande dessinée ?

Je faisais de la BD car je trouvais qu'il y avait moyen de dire des choses à travers ce média sur l'évolution de la société. Puis l'absence de femmes dans ce milieu est devenue un enjeu pour moi, car je savais qu'il y avait des talents. Mais le sexisme et le machisme ambiants ont empêché les femmes de faire leur révolution dans la BD.

La BD a-t-elle, selon vous et comme le dit l'exposition « fait sa révolution »?

Non ! L'expo parle d’une BD arrivée à l'âge adulte, mais pour moi, la BD n'a pas fait sa révolution, elle n'est pas passée à l'âge adulte. Bon, elle a grandi, elle est devenue pubère ou post-pubère. On est adulte quand on atteint la maturité. Il faut faire ce qui s'est passé en littérature. Mais pas dans le cinéma par exemple, qui est pour moi comme la BD de ce point de vue. Je pense que c'est l'image qui bloque, d'une façon générale. Et de mon point de vue, ce n'est ni Jean-Pierre Dionnet, ni Jean-Paul Mougin (NDLR : respectivement rédacteurs en chef de Métal Hurlant et (A suivre) qui ont contribué à révolutionner la BD et à la rendre adulte.

Métal Hurlan et (A suivre), deux magasines majeurs de l'époque

Métal Hurlant et (A suivre), deux magazines majeurs de la fin des années 70

Et aujourd'hui ?

On voit qu'il y a un retour à quelque chose d'intime, à des choses un peu nombrilistes, et je ne parle pas de la BD girly [soupirs...] Mais on avance de dix pas pour reculer de cent !

Avez-vous des projets en cours ?

Oui, je suis en train d'écrire un récit autobiographique en image. Il sera publié en deux bouquins chez Actes Sud. Maintenant, sa sortie dépend de moi. Je devais rendre le premier livre en juin mais... Comme me dit mon éditeur, « tu as le temps ». Car je veux raconter tout cela, sur la place de la femme dans la bande dessinée. Mais sans animosité, sans rancune. Et pour cela, j'ai besoin de prendre du recul, de relativiser. J'ai donc besoin de temps.

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants

Commentaires (2)

Bonjour Chantal. Désolé mais le style que vous dites ne pas reconnaître correspond précisément à vos propos lors de notre interview téléphonique, je ne trahis pas mes notes ni mon interlocuteur. Bien à vous. Pierre Fontanier

Le 17/07/2014 à 11h09

vous devriez plutôt intituler votre truc "tous des gros cons ?" (ou des "petits cons?" ) Non?
Bien à vous.
C.

Pas trop retrouvé mon style dans votre transcription, mais merci qd m^me.

Le 12/07/2014 à 11h32