ZOO

Chabouté raconte la vie en noir et blanc

Conteur hors-pair et véritable référence dans le domaine de la BD en noir et blanc, Chabouté nous raconte sa dernière grande aventure : l'adaptation en bande dessinée de Moby Dick, le classique d'Herman Melville.

Poète du quotidien

Comment êtes-vous venu à la BD ?

A la base, j'étais graphiste en freelance dans la pub. J'ai commencé par faire un album de BD dans mon coin, tout seul, juste pour voir si j'étais capable de le faire jusqu'au bout, si je pouvais tenir pendant un an sur un récit. Je l'ai fait, je l'ai mis dans un tiroir et j'ai continué à bosser dans la pub.

Chabouté adapte le chef d'oeuvre de Melville, Moby Dick, en bande dessinée

Chabouté adapte le chef d'oeuvre de Melville, Moby Dick, en bande dessinée

Au bout d'un moment, je me suis décidé à l'envoyer à un éditeur, pour voir si ça pouvait marcher, si ça allait plaire. J'ai envoyé le manuscrit et ai été publié 15 jours après. J'ai continué un temps à faire de la pub, puis à un moment j'ai lâché pour ne faire que de la BD. Quant aux écoles, je suis allé picorer un peu partout et je n'en ai pas vraiment fait une jusqu'au bout...

Dans votre dernier album, vous adaptez l'histoire de Moby Dick. Pourquoi reprendre ce récit en particulier ?

C'était le défi de m'attaquer à un classique, à un monument de la littérature. Arriver à voir si j'étais capable de mettre en image un récit qui a été raconté par Melville avec des mots. C'est avec ce livre-là que la mayonnaise a pris. C'est un gros morceau, mais ça faisait un moment qu'il était dans les tuyaux. Ça me démangeait depuis longtemps.

Vos albums parlent souvent du quotidien, d'autres partent de faits divers. Qu'est-ce qui vous attire dans ce genre de récit ?
Chabouté capte des instants de vie dans Fables amères

 Instants de vie dans Fables amères

En général, c'est du quotidien que je veux décaler. Je prends des choses que je vais piocher dans le quotidien pour l'amener là où j'en ai envie. Donc je vais prendre ce qu'il se passe autour de moi pour raconter. A part dans les adaptations... Landru, par exemple, c'est un peu autre chose. J'utilise des faits et je bouche les trous qui existaient dans ces faits pour finalement dire que cela ne s'est peut-être pas passé comme on le raconte. C'est une version de l'histoire, c'est dire que cela aurait pu se passer comme ça.

Et puis j'aime bien le futile. Le pas important qui peut finalement prendre toute son importance selon la façon dont on le montre. Le côté enfermé de Tout seul renvoie par exemple à l'auteur de BD qui est enfermé aussi. Il navigue, il voyage avec des feuilles blanches, comme le personnage de Tout seul voyageait avec son dictionnaire. On en revient à la création, à la fenêtre ouverte sur l'imagination.


Vous décrivez beaucoup dans vos albums les sentiments et relations humaines, mais souvent sur un ton amer, mélancolique. Pourquoi ce choix ?

C'est difficile de raconter le bonheur. J'aimerais bien, mais je n'y arrive pas encore. Ça viendra peut-être, mais on va vers ce qui nous intéresse. Mais je vais très bien comme garçon, je vous rassure ! C'est peut-être aussi de faire du noir et blanc qui donne cette couleur-là. Enfin, c'est marrant de parler de couleur en noir et blanc, mais ça peut induire cette ambiance, cette atmosphère-là. Il y a des gens qui ont trouvé Tout seul très triste et d'autres très positif. C'est marrant parce que ça dépend de la façon dont c'est perçu.

Le dessin comme langage

Beaucoup de vos BD sont quasi sans paroles. Le dessin est-il plus efficace pour vous pour exprimer les choses ?
Les Princesses aussi vont au petit coin : entre road-movie et folie...

Les Princesses aussi vont au petit coin :
entre road-movie et folie...

La bande dessinée permet de raconter soit en écrivant, soit en dessinant. Ce que je ne sais pas écrire je le dessine, ce que je ne sais pas dessiner je l'écris. Ou les deux ensemble. Mais j'estime qu'à partir du moment où une image raconte, ce n'est pas la peine de surenchérir avec du texte. Quand l'image suffit, je laisse juste l'image. C'est bien aussi de laisser parler les silences.

Et puis c'est peut-être une bonne chose que le lecteur se fasse ses propres dialogues. J'ai fait un bouquin de 350 pages où il n'y a pas une ligne de texte. Des gens sont venus me voir en me disant qu'ils inventaient les dialogues des personnages. Alors si j'arrive à les embarquer, il y aura des textes... Il y aura le texte du lecteur, la petite bande-son qu'il va imaginer. J'essaie de laisser ouvert.

Comment travaillez-vous sur vos BD ?

J'ai tendance à travailler par étapes. Je commence par mon scénario et une fois qu'il est écrit, ou vaguement écrit, je vais faire le storyboard complet de tout le livre. Quand il est terminé, je vais crayonner toutes les planches, puis le passer à l'encrage. En général, quand j'en suis à cette étape, je commence à mettre en place le livre suivant, à l'écrire. Donc quand j'ai finis un bouquin, le suivant est quasiment écrit, comme ça je peux embrayer directement.

Ainsi, avant de dessiner, j'ai un début et une une fin précis. Je sais d'où je pars, je sais où je vais. Le milieu change souvent un peu, mais j'ai une espèce de rail sur lequel j'avance. Quant à la technique en elle-même, c'est un peu comme tout le monde : beaucoup de gribouillages, beaucoup de documentation, beaucoup de table lumineuse.

La simple vie d'un banc public inspire Chabouté dans Un peu de bois et d'acier

La simple vie d'un banc public inspire Chabouté dans Un peu de bois et d'acier

Vous travaillez toujours seul. Vous n'avez jamais eu envie de collaborer avec d'autres auteurs ?

Non parce que j'aurais l'impression d'être entravé, de ne pas être libre. J'ai des choses à raconter, et tant que j'en ai, je vais continuer à les raconter. Mais j'ai besoin de cette liberté de travail, de cet espace. Même si c'est compliqué de travailler seul aussi parce qu'il faut se renvoyer la balle, se pousser à faire des trucs qu'on n'a pas forcément envie ou qu'on ne sait pas faire, s'orienter vers des domaines qu'on ne connaît pas...

Quelles sont vos références et vos influences en BD ?

Des références il y en a plein. La plupart des auteurs noir et blanc déjà. Et puis, la liste est tellement longue, des gens comme Pratt, Baru, Comès... Après je n'ai pas vraiment d'influences, mais j'essaie d'aller me nourrir de plein de choses, de la photo, du cinéma, de la musique... Il y a des trucs à prendre partout. Je ne vais pas me fermer sur la BD, j'essaie de m'ouvrir un maximum, d'apprendre un maximum de choses. Et ça va se répercuter automatiquement dans mon boulot. J'essaie d'ouvrir les œillères.

Quels sont vos projets à venir ?

Là je ne travaille que sur Moby Dick. Le deuxième tome devrait sortir en octobre ou novembre de cette année. Mais je prends toujours des petites notes à côté, j'ai des trucs dans les tuyaux pour la suite. En travaillant seul, on est obligé d'avoir un peu d'avance tout le temps. Mais je ne parle jamais de mes projets parce que je n'ai pas envie d'éparpiller le truc. Je veux canaliser l'énergie que j'ai sur un bouquin et si je me mets à le raconter, j'ai l'impression de le perdre. Donc je préfère le garder et le mettre sur papier. Je pense raconter mieux en dessinant qu'avec des mots, c'est pas trop mon truc.

Quelques jours d'été se penche sur les relations humaines dans un récit intimiste

Avec Quelques jours d'été Chabouté se penche sur les relations humaines 

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants