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Fabien Nury : le roman noir mis en cases

Fabien Nury est l’un des scénaristes les plus reconnus de la BD francophone. Le maître d’oeuvre d’histoires sombres, réalistes et souvent percutantes, se voit mis à l’honneur cette année à Angoulême où une exposition lui est dédiée, fait rarissime pour un scénariste. Mais avant de pouvoir s’y aventurer, plongez dans l’oeuvre du maître du polar en bande dessinée !

La réalité comme contexte...

Fabien Nury naît le 31 mai 1976. Pendant qu’il use les bancs d’une école de commerce qui ne le passionne pas vraiment, il s’attèle à l’écriture de ses premiers scénarios. D’abord pour le plaisir. Puis, alors qu’il travaille dans une agence de communication au début des années 2000, il fait une rencontre déterminante : Xavier Dorison. Très rapidement, l’auteur du Troisième Testament et Fabien Nury échangent sur un scénario de western...

Fabien Nury a l’idée d’un western réaliste minutieusement documenté et Xavier Dorison y ajoute très vite des éléments surnaturels, mystiques : ils tiennent là les prémices du premier succès de Fabien Nury, W.E.S.T. Son goût pour les univers réalistes et historiques ne se démentira pas. Toutes ses oeuvres prennent pour contexte une période précise de l’histoire récente. Parfois comme contexte ou prétexte de l’intrigue, mais souvent comme élément indissociable de celle-ci. Je suis Légion combine ainsi le contexte de la Seconde Guerre mondiale avec l’irruption d’êtres surnaturels qui influent sur le déroulé du conflit.

Necromancy signe la dernière incursion du surnaturel chez Fabien Nury. Dans ses récits suivants, le contexte historique prend de plus en plus d’importance. Dans Il était une fois en France et La Mort de Staline, Nury transforme une galerie de personnages réels en personnages de fiction. Il s’emploie surtout à donner une personnalité à ses protagonistes, en s’éloignant si besoin des représentations qu’en donnaient leurs contemporains. L’intrigue n’est pas sacrifiée à l’exactitude historique.

Fabien Nury varie tant les thèmes qu’il aborde que les moyens narratifs utilisés. Il était une fois en France va ainsi suivre le parcours de Joseph Joanovici à travers ses yeux. À l’inverse, La Mort de Staline montre de nombreux personnages et multiplie donc les points de vue sur les évènements de l’intrigue. « Le sujet dont on parle doit appeler une structure, une forme narrative. [...] Ce qui m’angoisserait, ce serait de traiter tous les sujets de la même manière, surtout moi qui n’aie pas les univers les plus différenciés et éclectiques qui soient. » déclare-t-il en interview à dBD.

L’anti-héros comme horizon

Le fil rouge principal de l’oeuvre de Fabien Nury n’est pourtant pas le contexte historique : Tyler Cross par exemple pourrait se dérouler dans bien d’autres lieux et temps que ceux du récit. Le fil rouge, c’est Tyler Cross. Ou plutôt ce que ce personnage incarne à son paroxysme : la figure de l’anti-héros. La plupart de ses personnages sont dénués de qualités héroïques ou ne se révèlent en tant que tels qu’en situation extrême. En réalité, si les histoires de Nury étaient racontées d’un autre point de vue, ces protagonistes nous seraient probablement antipathiques.

« J’ai appris que le héros n’a pas besoin de ressembler à Alain Delon, qu’il n’est pas obligé d’avoir une mitraillette et qu’on n’est pas obligé de mettre tout le temps des grosses scènes d’action si le sujet est assez fort ». Et effectivement, on s’y attache. On les aime même. Parce qu’ils ont une personnalité, parce qu’ils ont « de la gueule ». Parce que les vrais héros n’existent pas et que ces anti-héros nous immergent dans le récit.

L'immersion passe aussi par le rythme du récit. « Pour la BD, mon découpage est influencé d’un côté par le cinéma et de l’autre par la littérature, le roman noir. Le but est d’augmenter l’intensité de lecture, radicaliser les points de vue. Je suis un passionné de film noir, on s’en doute ! » nous déclarait-il en interview en juin dernier. Et passer derrière la caméra un jour ? « Je suis toujours sur le projet de tournage de Il était une fois en France et je voudrais en être le réalisateur. Mais ce n’est pas simple. » Et s'il parvenait à remettre le film noir au goût du jour ?

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