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Les Mille Tempêtes de l'adolescence

Lisa est une jeune ado qui a récemment emménagé chez sa marraine suite à la mort de sa mère. À cet âge où le corps et l’esprit se transforment, elle met la main sur un mystérieux casque qui, de fil en aiguille, l’emmènera bien plus loin qu’elle ne l’aurait cru. Mille Tempêtes nous a franchement impressionné à sa sortie le mois dernier. C’est donc un plaisir de revenir avec Tony Sandoval sur les origines de cette œuvre mystérieuse...

Le casque et la jeunesse

 Comment avez-vous commencé à travailler sur Mille Tempêtes ?

Tony Sandoval : Il y a quelques années, j’avais un projet que je voulais proposer à un autre éditeur, à propos de l’enfance torturée. J’avais une idée assez symbolique, avec le diable, des monstres, etc. Et puis le casque de viking. J’ai progressivement laissé ce premier projet de côté, puis l’idée du casque et du diable est restée. À partir de ce casque, l’histoire actuelle est venue petit à petit.

L’héroïne venait aussi d’une ancienne histoire, à la base une histoire centrée sur l’action que j’avais écrite il y a plusieurs années et qui n’avait pas très bien marché d’ailleurs [rires]. Mais j’aimais bien ce personnage que j’avais continué de dessiner pendant quelques années, avant que je ne l’oublie peu à peu et qu’elle ne finisse par me revenir sur cette histoire !

Comment avez-vous construit le personnage de Lisa ?

Eh bien je connais la vraie Lisa ! C’est une amie qui me l’inspirée à la base, et puis au fil de l’écriture, j’ai mis progressivement un peu de moi dans ce personnage ! Ce que je voulais, c’est que l’on ressente son évolution, sa transformation au fil de l’album. Elle est aussi plus grande que tous ses camarades, parce qu’elle a grandit plus vite. Elle est naïve par rapport à d’autres enfants, mais plus intelligente. Elle est donc un peu à part, un peu rejetée.



Elle vient aussi d’une BD américaine sur une jeune fille qui était harcelée dans son collège. Je ne me souviens plus du nom, mais cette BD m’avais marqué, déjà parce qu’elle était très sombre, parfois limite glauque, mais aussi parce qu’elle représentait bien la cruauté dont on est parfois capable à cet âge, où la distinction claire entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas est parfois floue.


C’est toujours un mélange. De mes expériences, de mes souvenirs, de mes lectures, qui m’amènent d’une chose à l’autre.

Lisa a d’ailleurs une histoire familiale assez bouleversée…

C’est une idée avec laquelle j’adore jouer : qui es-tu et qu’attends-tu ? Dans la première version, j’expliquais beaucoup plus longuement l’histoire de ses parents, qu’est devenue sa mère, où est son père, etc. Et puis, finalement, quand j’ai commencé à dessiner le retour de son père, j’ai trouvé que toutes ces explications étaient trop longues, et qu’un peu de mystère ne faisait pas de mal au lecteur. 

Le père de Lisa possède une usine d’armement. Après la mort de la mère de Lisa, il s’est réfugié dans son travail, d’autant que Lisa lui rappelait sa femme disparue, ce qui le rendait triste de la voir. Les deux se sont un peu perdus mutuellement, ne savent pas vraiment ce que pense l’autre. 

Aux antipodes du personnage de Lisa, il y a Bruno, le fils de sa marraine. Comment l’avez-vous créé ?

J’adore les personnages cons, qui ont la grosse tête, très énervés mais assez lâches finalement. Bruno se pisse d’ailleurs dessus lorsqu’il passe sans le vouloir de l’autre côté de l’arbre ! Chaque fois que je vois ou que je lis ce genre de personnage, ça me fait marrer. Le personnage du roi Joffrey dans Game of Thrones par exemple, c’est l’un de mes préférés !

L'adolescence, fenêtre sur l’avenir

 
On retrouve votre goût pour les histoires traitant de l’entrée dans l’adolescence…

Tony  : J’ai peut être été un peu plus radical cette fois dans les changements que je fais subir à mes personnages. La métamorphose de l’enfant en ado c’est un âge où l’on a une vision du futur, un échange de trucs que l’on perd et que l’on gagne. C’est peut être effrayant pour certains.

Et puis il y a ce surréalisme qui est propre à l’adolescence.  C’est là que l’on acquiert ses « super-pouvoirs » en somme, que l’on définit nos personnalités, que l’on commence à comprendre qui l’on est. Il y a encore quelques jours, j’étais avec une amie que je connais depuis longtemps en Suisse. On discutait de l’adolescence justement, et il faisait une chaleur à crever, malgré mes super-pouvoirs mexicains [rires]. Et à un moment, elle embrasse un mec au hasard dans la foule. Pour vérifier si elle avait toujours, elle aussi, ses super-pouvoirs [rires].

C’est vraiment la question centrale à l’adolescence : c’est quoi tes super-pouvoirs de (presque) jeune adulte ? Et Lisa découvre cela progressivement : à chaque fois qu’elle utilise ses « pouvoirs », elle s’éloigne un peu plus de la pure enfance pour entrer petit à petit dans l’adolescence. Pour le reste, je n’ai pas d’explication précise du pourquoi du comment de tout l’album : au lecteur, surréaliste, de trouver la sienne ! Je préfère qu’il s’interroge sur la réalité de ce qu’il a lu !

Avez-vous eu des sources d’inspiration particulières ?

Il y a évidemment pas mal de Jérôme Bosch dans mes créatures et les décors de leur monde. Après y avoir pensé, j’ai remarqué que je m’étais aussi inspiré un peu inconsciemment de Labyrinthe. J’étais très fan à l’époque et puis je l’avais oublié. Et j’ai été un peu déçu en le revoyant d’ailleurs !


Dans cet album, vous avez alterné deux styles de mise en couleurs, pourquoi ce choix ?

C’est complètement circonstanciel, ce n’était pas envisagé comme cela au début. J’avais pas mal de planches dessinées à l’aquarelle, mais j’ai fait de gros changements dans l’histoire ! Donc j’ai redessiné plusieurs planches, que j’ai mises en couleur à l’ordinateur plutôt qu’à l’aquarelle, pour voir ce que ça donnait. Et j’ai bien aimé le résultat mêlé des deux styles, tout simplement ! J’ai donc refait en numérique quelques autres passages en aquarelle pour équilibrer à peu près l’usage des deux techniques au fil du livre.

Quels projets pour l’avenir ?

Je travaille sur deux bandes dessinées en ce moment. J’ai notamment un scénario très réaliste, un bouquin qui parlerait de l’immigration illégale au Mexique. J’ai une autre BD dans l’univers de Mille Tempêtes, mais dont le personnage principal est masculin. Mais contrairement au Cadavre et le Sofa par exemple, le personnage sera un con complet ! Un peu comme Bruno d’ailleurs ! J‘ai un bon planning éditorial, je suis content. J’ai aussi quelques projets d’albums jeunesse avec d’autres scénaristes en cours ! J’aime bien être un peu speed, même si j’apprécie les périodes de calme pour travailler tranquillement les détails !

Un mot de la fin ?

Eh bien j’ai remarqué qu’il y avait une scène du Serpent d’eau que j’ai reprise presque à l’identique graphiquement dans Mille Tempêtes ! Je ne dirais pas laquelle, je vous laisse chercher. [rires]

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