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Deux frères et une petite souris

Guillaume Bianco, scénariste d’Ernest et Rebecca et auteur de Billy Brouillard, a dessiné l’histoire de Jasmine, une petite souris qui adore sauter dans les flaques d’eau. Guillaume Bianco nous raconte comment cette histoire est née sous la plume de son frère, Thomas et comment elle est devenue un livre.

Une petite souris oubliée

Comment est né ce livre jeunesse ?

Guillaume Bianco : C’est super simple : mon petit frère, qui est grand maintenant, gardait ma nièce qui avait trois ans. Il lui improvisait une histoire pour la faire marrer. Comme elle adorait le fait de sauter dans les flaques d’eau, il lui mimait le plouf et avait créé une petite souris. Un jour il s’est mis à écrire cette histoire en dix lignes. Il me l’a envoyée pour savoir ce que j’en pense... Moi j’avais mis ça sur mon ordinateur et deux ou trois ans après, en faisant du tri, je retombe dessus. Ca m’a fait rigoler !

J’ai tout de suite eu envie de dessiner cette petite fille qui saute dans les flaques d’eau en rentrant chez moi. J’ai dessiné carrément tout le livre au brouillon. Après si tu regarde le dessin, même si la maquette est plus épurée, on reconnaît quand même mon style même s’il n’y a pas de monstre ni de fantôme.

Comment avez-vous composé cette petite fille déguisée en souris ?

C’est vrai que dans le texte de mon frère, c’était une petite souris. Mais c’est aussi vrai que les souris avec leur petit museau, je ne sais pas trop les dessiner… Comme j’ai commencé avec le rond pour la tête que je fais tout le temps, alors j’ai ajouté des ronds pour les oreilles et c’est né.

Mon dessin est assez improvisé. Par exemple pour la chaussure, je vais quand même voir comment est faite une chaussure mais je ne vais pas non plus faire différents angles pour choisir le meilleur : ce qui est frais fonctionne. Il y a quand même l’étape du story-board avant bien sûr.

Je voulais enlever de temps en temps la capuche de Jasmine, mais ça la ramenait trop à une humaine. Donc Karine [l’éditrice] et Thomas, m’ont convaincu de lui laisser tout le temps son costume. Les enfants peuvent choisir si les personnages sont des gamins déguisés ou des animaux qu’on voit sous cette forme.

Le lion adulte devait aussi apparaître sous cette forme à la base, mais il fonctionne mieux en vrai animal. Donc dans l’univers de Jasmine, les enfants-animaux ont des sortes de costume et les adultes sont des vrais animaux.

Comment est composé l'album ?

Au départ, j’avais pris carrément des feuilles des feuilles A4, que j’ai pliées et agrafées. J’y ai mis la première phrase de Thomas sur la page de gauche et le dessin sur la page de droite. J’avais répété ça sur ce tout petit format.

Après on l’a montré à Karine Leclerc, l’éditrice chez P’tit Glénat. Elle nous a dit qu’ils n’avaient pas ce tout petit format avec grosse pagination. Donc elle nous a proposé le format P’tit Glénat, un peu plus grand avec moins de pages et on a tout condensé différemment.

Vous avez donc dû modifier vos dessins ?

Il fallait qu’on s’adapte au format du livre, donc on a d’abord placé le texte et ensuite le dessin. Pour moi, c’est toujours dans cet ordre là, comme Quentin Blake. Lui, quand il a son histoire, il fait faire le « montage » par l’éditeur et il n’a plus qu’à remplir les trous… C'est à dire que le dessin sert le texte. Car on a souvent tendance à faire des grands et beaux dessins, mais après où mettre le texte ?

Le défi du vide

Votre palette de couleur a changé, n'est-ce pas ?

Je ne suis pas doué du tout pour les couleurs. Là j’ai fait de l’encre de chine avec un lavis gris. Une fois ce dessin fini, on le scanne. Moi j’ai passé le fichier à un copain, Florent Bonin, qui a recliqué sur les masses de couleurs avec Photoshop.

Je lui ai dit « Mets un peu de rose et un peu de bleu ». Les originaux sont donc en noir et blanc et la couleur à l’ordi sans le côté froid mais avec une grande liberté. On a pu essayer plein de choses : moins rose, plus rose, plus lumineux, etc. sans recommencer tout le dessin…

Vous n'avez pas mis de bulles pour de nombreux dialogues…

J’avais peur que ça fasse trop BD. Pour moi, le livre jeunesse est plus art plastique qu’animation et mon dessin fait très BD. Donc je me suis mis le défi de ressembler plus à ça. Même si Jasmine bouge toujours plus que ce que font mes collègues jeunesse…

Mais j’aime tellement les bulles que je n’ai pas pu m’empêcher de faire des petites onomatopées très légères quand Jasmine court par exemple. Je me suis retenu de pas en mettre plus !

Vos décors sont également très épurés...

Déjà, les décors, c’est ultra chiant à faire ! Ensuite c’est parce qu’on voulait vraiment faire un grand livre avec de tous petits personnages sur un fond blanc très simple, qui respire. C’est peut-être à cause du côté foisonnant, bien rempli avec beaucoup de hachures de Billy Brouillard, mon autre série, que j’ai besoin du côté plus aéré de Blake et Sempé. J’ai peur du vide donc j’ai tendance à remplir, mais je trouve le vide trop classe : je voulais faire pareil que des auteurs que j’admire.

Jasmine se balade beaucoup…

J’adore faire bouger ce personnage : j’aurai pu mettre moins de dessins, mais sa manière de s’animer est super agréable. Pour un de ses sauts par exemple, j’ai mis un roulé-boulé au milieu car ça me faisait rire. Pour moi, il est très important de s’amuser et improviser une fois qu’on a le story-board. On sait d’où on part, où on arrive mais pas le chemin. On doit partir à l’aventure avec son personnage, parce quand on s’amuse plus et qu’on se surprend plus : c’est triste.

Elle a aussi une sacrée collection de bottes. ?!

Mon frère, animateur, a rencontré une institutrice qui disait aux élèves : « On va mettre nos bottes de silence. » pour qu’ils restent tranquilles en sortant de la classe. Ca nous a donné plein d’idées ! Et on s’est dit que ça serait bien d’en faire les pages de garde. Même si on avait aussi pensé à y mettre une chanson qu'on avait composée.

En fait, on voulait exploiter tous les recoins du livre : on a mis une Jasmine sur le code barre, une qui dessine le copyright…


D’autres projets avec votre frère ?

Je n’ai pas de plan de carrière ! Quand je fais un projet avec quelqu’un c’est improvisé en partant d’une rencontre. L’histoire de mon frère, il ne me l’avait pas donnée pour que je la dessine mais ça a fonctionné ! 

Dont une suite à Jasmine ?

On a plein d’idées. Même si à la fin on la voit grande, s’il y a une autre aventure, ce pourrait être Jasmine et le crocodile, Jasmine et les bottes de machin. On a plein d’idées mais ça dépend de l’éditeur, qui dépend du public. Donc si jamais ça n’est pas publié, on fera des histoires pour nous, ce n’est pas grave…

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