ZOO

Un mélange de souvenirs, de rêves et d’expériences

Dans un petit village, un adolescent, Christian, disparaît. Un jour que son ami Polo promène sa tristesse en bordure du village, il fait la rencontre de Sophie. Jeune fille vive et un peu à part, il ne peut qu’en tomber amoureux, dans une atmosphère lourde et trouble où le temps semble passer au ralenti… Un conte mélancolique aux airs faussement naïfs, entre fantasmes et réalité, dont Tony Sandoval a bien voulu nous parler.

Quand on était ado

Comment est né Le Cadavre et le Sofa ?

Tony Sandoval : En fait, c’est d’abord un mélange de souvenirs, de rêves et d’expériences, un peu de tout ! Cet album est sorti tellement naturellement qu’il m’est difficile d’expliquer ce qui est venu en premier. Je ne suis pas scénariste à la base, mes histoires viennent toujours de mes dessins, et petit à petit, les personnages apparaissent. Au final, ce n’est pas moi qui fait l’histoire, c’est l’histoire qui se fait presque toute seule ! C’est en tout cas comme cela que je le ressens : une image m’a donné une idée qui en a engendré une autre, etc.

Quel âge donneriez-vous aux personnages ?

J’aime bien l’idée qu’ils n’aient pas un âge trop défini. J’aime jouer avec le début de l’adolescence, c’est une période que je trouve amusante et intéressante. C’est un âge très bizarre, où l’on est toujours enfant et l’on sent que l’on devient aussi quelque chose de plus. On reste un peu naïf aussi. Mais je pense que si demande à plusieurs personnes « Qu’est ce que tu faisais quand tu étais ado ? », les réponses seront toutes différentes, c’est ce que j’aime avec l’adolescence !

Comment vous est venu le duo de personnages principaux ? De vos expériences personnelles ou d’inspirations extérieures ?

Sophie est un personnage tiré de plusieurs filles que j’ai rencontré à mon adolescence. Elles avaient en commun d’avoir des personnalités très fortes, un peu « dominantes ». À l’époque, ça m’avait marqué, ces personnalités très fortes me plaisaient beaucoup, me fascinaient même. C’est au final un mélange de plusieurs personnes que j’ai connues.

Polo est beaucoup plus proche de moi, de qui j’étais à l’adolescence. Même s’il y a de moi dans tous les personnages de cet album, même chez les plus antipathiques, c’est Polo qui reste le plus proche de ce que je suis.


Sophie ressemble d’ailleurs beaucoup à Death, la soeur du Sandman de Neil Gaiman...

La première fois que j’ai lu Death j’ai adoré ! J’ai acheté presque tous les numéros le jour de leur sortie aux États-Unis. Les couvertures de Dave McKean m’ont beaucoup inspiré, ainsi que le dessin de Chris Bachalo. Mon dieu, que j’aime le dessin de Chris Bachalo ! Son style m’éclatait ! Je pense que j’ai surtout été séduit par sa façon de dessiner les femmes [rires] mais ses dessin pour Death m’ont beaucoup inspiré de manière générale !

Je pense que c’est pour cela que Sophie ressemble à Death, avec son côté très décalé entre sa fonction de faucheuse et son apparence, très fraîche, presque mignonne. De manière plus générale, j’ai une grande fascination pour des auteurs comme Edgar Allan Poe ou H.P. Lovecraft, qui font surgir l’horreur des situations les plus inattendues.

À la fin de l’été...

Comme chez ces auteurs, on sent une volonté de jouer avec le surnaturel, avec la figure du loup-garou, qui plane comme une ombre sur ce livre…

Le loup-garou pour moi, c’est un ami d’enfance que j’adorais. C’est lui qui m’a fait découvrir le Heavy Metal. Il est décédé quand il avait 16 ans. C’était pour moi un moyen de lui rendre hommage. Il m’a inspiré depuis mon adolescence jusqu’à maintenant.

C’est la première personne de mon entourage dont j’ai connu la mort. Ça m’a bouleversé. Je me souviens de la mélancolie, de la tristesse que j’ai éprouvé, j’avais 11 ans à l’époque. Il fait partie des personnes qui m’ont impressionné étant jeune, un des petits héros que l’on peut se fabriquer au début de l’adolescence qui a touché ma vie.

Le Heavy Metal est une musique qui vous inspire ?

Effectivement, j’écoute du Metal depuis que je suis jeune. Pour mon travail c’est une inspiration ! Les paroles m’aident parfois à trouver le début d’une histoire ou la clef de sa résolution ou des idées. C’est aussi une musique souvent hyper atmosphérique, qui m’aide à créer des ambiances particulières !

Et ce groupe de petites brutes ? Venu de vos expériences personnelles aussi ?

Il y a toujours de grands mecs pour t’emmerder au début de l’adolescence [rires]. Ils vont chercher à te foutre la honte, à t’humilier en permanence. J’ai développé ces personnages pour leur donner un peu de personnalité, en m’inspirant simplement des gens les plus cons que j’ai rencontrés étant jeune !

Je me souviens aussi d’une interview de Dave Mustaine, de Megadeth qui disait avoir arrêté de se battre quand il a commencé la guitare, parce qu’à partir de ce moment là, il y avait toujours quelqu’un de plus fort pour se battre pour lui. Et il m’est arrivé presque la même chose grâce au dessin : je n’avais plus besoin de me défendre seul parce les pires brutes aimaient bien mes dessins et me laissaient tranquille. En fait, l’un d’eux dessinait aussi et c’est pour ça qu’il me foutait la paix !

Pensez-vous que tout ce qu’a vécu Polo l’ait changé ?

J’ai l’impression que l’on vit des chapitres dans la vie : il y a des choses qui se terminent souvent abruptement. On ne choisit pas comment se finissent nos aventures ! Les fins hollywoodiennes ne m’intéressent pas, rien ne se termine jamais comme dans un film. Mon but était de refermer l’histoire comme il était naturel qu’elle se termine. Que la fin ne soit pas forcée.

À la fin de l’été, Polo a vécu quelque chose de fort qui l’a bouleversé, qui ne l’a pas fondamentalement changé et qui le fait avancer, un peu malgré lui, vers le chapitre suivant !

Quelles sont vos techniques de dessin préférées ?

Je travaille assez simplement au crayon et à l’encre, mais la mise en couleur se fait entièrement sous Photoshop. Pour cet album, c’était très expérimental. Comme je le disais au début, je l’ai construit à partir de dessins, donc j’ai essayé plusieurs choses avant de trouver ce qui collait le mieux à l’ambiance.

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants