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André Juillard : « J’aimerais écrire un scénario pour un autre dessinateur »

André Juillard signe Le Bâton de Plutarque, le nouveau Blake et Mortimer. L’action se passe avant Le Secret de l’Espadon, un souhait et un choix des auteurs. On y trouve des réponses à des questions laissées ouvertes par Jacobs. Un retour aux sources avec André Juillard qui parle très librement de son travail sur l’album et de ses prochains projets.

Le Bâton de Plutarque, un album charnière

Le Bâton de Plutarque est le chaînon manquant des aventures de Blake et Mortimer ?

Yves Sente a eu l’idée de répondre aux questions posées par Le Secret de l’Espadon. Olrik connait Blake et Mortimer mais d’où ? Zhang Hasso est l’espion des Anglais, pourquoi ? La Troisième Guerre mondiale commence très peu de temps après la seconde mais d’où vient ce mystérieux empire jaune ? Et le Golden Rocket qui semble avoir déjà volé ? Je dois dire que Yves Sente tenait à ce thriller plus que moi. J’ai lu et relu le scénario et il m’a paru convaincant.

Blake et Mortimer évolue dans des décors incroyables, authentiques et méconnus. L’abri de commandement de Churchill pendant la guerre, la base de Bletchley Park. D’où un gros travail de documentation.

Les Anglais ont conservé et entretenus ces endroits tels qu’ils étaient pendant la guerre avec tout le mobilier, les objets, les affiches d’époque. On y a fait deux voyages. Bletchley où étaient rassemblés les grands esprits du monde libre est impressionnant.

Ce sont des cabanes en bois près d’un manoir qui servait de mess dirigé vraiment par Edmond Travis, un spécialiste de la sécurité des codes chiffrés. Il avait environ 10 000 personnes sous sa responsabilité. Une petite ville.

Comme vous le rappelez dans cet album, qui se passe en 1944, les Alliés avaient déchiffré les codes allemands.

Effectivement. Ils avaient récupéré une de leurs machines à coder Enigma et les grilles de codes. Au point que pour ne pas que les Allemands s’en doutent ils ont laissé raser la ville de Coventry. On voit aussi leur pragmatisme dans Le Bâton de Plutarque avec la cache qu’ils avaient prévu dans le rocher de Gibraltar en cas d’invasion ennemie.

On en sait enfin un peu plus sur Olrik et sur l’empire de Lhassa.

Comme pour Blake, Jacobs a donné des pistes pour Olrik. Il est Balte, Hongrois et a servi aussi les nazis. Pour ensuite travailler pour l’empire de Basam-Damdu. Cela rejoint l’explication que nous donnons des conditions dans lesquelles Hasso, officier de Basam, propose ses services aux Anglais et, dans l’Espadon, les renseigne. Un détail amusant, la scène finale dans le bureau du premier ministre, je l’ai reprise de La Marque jaune.

Il y a aussi les deux jumeaux, officiers anglais, qui sont à la base du scénario.

Eux ce sont des traîtres par vengeance. Yves m’avait donné une vague description, lunettes, roux, timides. Ils trompent la confiance de Benson, ce qui permet aussi d’expliquer un détail supplémentaire, le futur logement des héros. J’ai voulu trouver un visage sympathique, dévoué à ces jumeaux. Autre problème de dessin, arriver à ce que le fameux bâton et son message soient lisibles. Je l’ai fait hexagonal au lieu d’octogonal. C’était plus simple. Vous pouvez donc lire le message. Essayez.

J’ai pu gagner du temps sur cet album car Etienne Schréder a encré les décors. Je suis plus souple sur le crayonné que sur l’encrage. J’ai aimé cet album pour tous les paysages anglais qu’il propose, les voitures (je les trouve en détails sur le net) et la possibilité de varier les seconds rôles. Et les avions bien sûr.

Une attention particulière aux détails

Vous faites donc de Blake un pilote de chasse dans l’aéronavale britannique?

Oui et cela est utile pour la suite. Il est à bord du porte-avions Intrepid, qui n’a jamais existé sous ce nom chez les Anglais [mais chez les Américains N.D.L.R.]. En fait j’ai pris pour modèle le Colossus qui, vendu à la France après la guerre, est devenu l’Arromanches.

Dans la biographie qu’a écrite Jacobs, Blake est bien pilote chef d’escadrille sur l’Intrepid. Ce qui pose problème ensuite car il porte un uniforme kaki de l’armée de terre. Autre question à laquelle nous répondons dans Le Bâton de Plutarque.

Vous dessinez pour cet album beaucoup d’avions dont un modèle incroyable d’aile volante allemande.

Qui a bien existé. Le Horten 229 a volé à la fin de la guerre et le prototype a été récupéré par les Américains. Je ne voulais pas me servir du classique Messerschmitt 262 à réaction trop connu. C’est Yann, scénariste des albums de Romain Hugault, qui m’a proposé ce modèle. J’aime bien les avions.






Vous avez des lecteurs attentifs pour les détails, les avions par exemple ?

Bien sûr. On m’a gentiment fait remarquer que mes Seafire, chasseurs embarqués, n’avaient pas de crosse d’appontage. Que des mitrailleuses d’avion ne tirent pas du 9mm.

Vous continuez évidemment Blake et Mortimer. Ariane des Sept Vies de l’Epervier revient aussi ?

Oui. Il devrait y avoir un projet intermédiaire d’Aubin pour Blake et Mortimer. Pour moi, Yves Sente a déjà une idée de scénario, la recherche d’un manuscrit inconnu d’un grand auteur. On serait toujours dans les années cinquante. Peut-être en Europe mais à voir. Il est prévu pour 2016.

J’ai envie de couper, faire une pause. Je voudrais ralentir sur Blake et Mortimer, faire autre chose. Pour Ariane, je ne suis pas vraiment à l’aise dans une suite où elle continuerait à rechercher un fils éventuel. Vous vous souvenez que dans un spin-off de L’Epervier elle aurait eu un fils avec Louis XIII. Molière ? Compliqué.

André Juillard, dans son atelier

André Juillard, dans son atelier © JLT

D’autres projets ?

Oui, avec Yann mais seulement après le prochain Blake et Mortimer et Sept Vies de l’Epervier. Le cadre serait la guerre d’Espagne avec la photographe et muse de Man Ray, la très belle Lee Miller. J’avais beaucoup aimé le travail de Vittorio Giardino avec Max Fridman sur cette époque.

J’ai envie aussi de retrouver le scénario et pourquoi pas écrire pour quelqu’un d’autre. J’aime toujours autant raconter des histoires. Pour le moment, je termine de grands pastels pour une exposition chez Champaka à Bruxelles : des paysages. Il y en aura quatre panoramiques. François Schuiten et Loustal sont aussi de la fête.

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Commentaire (1)

Le Ho-229 n'a jamais volé (proto jamais terminé). Le Golden Rocket est trop petit (à l'origine c'est un bombardier) et Juillard en fait un chasseur décollant d'un porte avions ! Je préfère Juillard sur l’Épervier sur ce coup.

Le 02/06/2019 à 10h36