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Louise Joor se lance dans l'aventure de la BD

Louise Joor vient de publier Kanopé, une BD dont l'action se déroule au cœur de la forêt amazonienne mêlant habilement histoire d'amour, anticipation et réflexion sur l'écologie. L'auteure nous raconte l'aventure de cette première BD.


Kanopé, fable écologique

Comment êtes-vous venue à la BD ?

Louise Joor : Je suis dans la BD depuis ma naissance, entre un papa libraire spécialisé et une maman qui dessine beaucoup. Je ne me suis jamais vraiment arrêtée de dessiner, mais j’ai décidé de continuer « sérieusement » sur cette voie à partir de 15-16 ans et me suis inscrite en section bande dessinée à l’institut Saint-Luc de Bruxelles à ma majorité.

Après 3 ans d’études, j’ai travaillé pendant presque 3 ans à nouveau sur divers projets de bande dessinée sans qu’aucun n’aboutisse. Enfin, l’histoire de Kanopé a trouvé un écho aux Editions Delcourt et le projet a été signé.

A propos de Kanopé  justement, d'où vous est venue l'idée de cette histoire ?

J’avais envie de parler d’écologie mais sans le mettre au premier plan. La catastrophe de Fukushima était toute récente et le sujet du nucléaire me touchait car il atteignait, à travers un pays que j’aime beaucoup, la planète entière, la radioactivité ne connaissant pas les frontières.

Pour parler de ces thématiques, j’avais besoin de personnages car ce sont eux qui nous guident dans une histoire et nous la font accepter ou non. Je voulais raconter une histoire d’amour en avant-plan, et que les conflits extérieurs aient un impact direct sur la relation amoureuse, au point qu’on ne puisse pas les ignorer.

Pourquoi avoir choisi le nom de Kanopé  pour votre héroïne ?

Son prénom vient du mot « canopée » qui désigne l’étage le plus haut de la forêt, juste avant les cimes, où se concentre la majorité des espèces et où la vie est la plus riche. J’aime ce mot qui regroupe l’abondance de vie et le fait qu’elle nous soit cachée, hors d’atteinte, il résumait bien mon sentiment à propos de l’Amazonie de 2137.

Je voulais aussi que ce soit le nom de l’album, mais il existait déjà une bande dessinée portant ce titre. J’ai donc décidé, sur les conseils d’une amie, d’en changer l’orthographe, ce que je pouvais me permettre si c’était un prénom. « Canopée » est donc devenu « Kanopé ».

Etait-ce difficile de représenter un univers existant, l'Amazonie en l'occurrence, en l'imaginant contaminé par les radiations ?

Non car la contamination, même si elle est visible, ne prend pas toute la place. Je me suis documentée parallèlement sur la faune et la flore de l’Amazonie et sur les effets des radiations sur les organismes vivants, afin de coupler les deux de la manière la plus crédible possible. Je pouvais donc rester assez proche de ma documentation que je considérais comme une base solide.

La faune amazonienne, une grande source d'inspiration !

Ça m’aurait été beaucoup plus difficile de représenter entièrement l’extérieur et les mégalopoles, symbolisés ici par Jean et sa technologie, sur lesquels j’ai déjà dû fournir un gros travail de recherche.

Pourquoi ce choix de ne pas représenter le monde extérieur à la forêt ?

Le monde extérieur aurait été extrêmement complexe à mettre en place et il n’était pas forcément nécessaire à l’histoire qu’il soit visible. Ne pas le représenter me permettait aussi d’attirer l’attention uniquement sur les aspects de la société dont j’avais envie de parler, laissant l’imagination du lecteur construire le reste.

Une jeune dessinatrice engagée

A quelles difficultés est-on confronté lorsque l'on publie son premier album?

A la nouveauté que représente chaque aspect du métier, aspects qui ne sont pas forcément compliqués mais qu’on découvre et qu’on doit intégrer. Les délais, la forme sous laquelle rendre son travail, l’importance de la typographie, la conception d’une couverture…

Ma plus grosse difficulté a été la mise en couleur, beaucoup plus neuve pour moi que le dessin et le scénario. Il a fallu du temps avant je sois un peu contente de ma mise en couleur. Du coup, bien que la masse de travail que représentent 124 planches puisse décourager, j’ai été contente de pouvoir évoluer sur un grand nombre de pages. Sortir un album de 46 planches ne m’aurait pas laissé le temps de prendre un peu confiance en moi sur ce terrain.

Vous parlez beaucoup de sujets de société qui vous touchent sur votre blog, comme l'écologie et le nucléaire par exemple. C'est important, en tant que dessinatrice, de faire un travail engagé ?

Ce sont les deux sujets qui pourraient me faire totalement paniquer si je me laissais aller à penser à tout ce qu’ils impliquent concernant les dégâts faits à la planète, et donc à l’Humanité. Etant optimiste, je préfère ne pas baisser les bras et tenter de changer les choses même si c’est à mon échelle.

C’est en partie pour cette raison que j’ai fait Kanopé : essayer de faire passer l’idée que pour prendre soin de nous, il faut prendre soin de ce qui nous entoure. Pour moi, la bande dessinée est avant tout un plaisir et doit le rester. Mais si, sous ce plaisir, se cache un message qui me suit dans ma vie de tous les jours et me fait réfléchir, c’est encore mieux !

Vous publiez souvent des dessins automatiques sur votre blog, quel intérêt présente ce genre d'exercice ?
Louise Joor s'essaie au dessin automatique

Louise Joor s'essaie au
dessin automatique

Faire du dessin automatique est un peu difficile pour moi car il faut lâcher prise, ne pas forcément avoir une idée de départ ni une histoire à laquelle peut se raccrocher le dessin. C’est aussi pour cette raison qu’il me fait du bien, je le fais avant tout pour moi, sans aucune pression ni contrainte.

Je dessine principalement au crayon léger pour la mise en place et au crayon gras pour la mise au net du dessin. Jusqu’à présent, c’est cet outil qui me permet de travailler au mieux les expressions de mes personnages. Les dessins automatiques sont parfois lancés par une envie de tester un autre outil justement, comme de l’encre de Chine ou du crayon de couleur.

Philippe Buchet, dessinateur de la série Sillage, a écrit une belle préface et réalisé un ex-libris pour la sortie de Kanopé. C'est un auteur dont vous vous sentez proche ?

Philippe Buchet m’a fait un beau cadeau avec cet ex-libris et cette préface. J’étais fan de Sillage quand j’avais 14-15 ans et j’ai eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises par la suite. Quand mon éditeur m’a annoncé qu’il s’était proposé pour « parrainer » mon livre, j’en ai été très heureuse !

Sillage fait partie des BD qui m’ont marquée quand j'étais adolescente et qui sont restées dans mes influences.

Quelles sont vos références en BD ?

Une grosse référence, mais en animation, ce sont les films de Disney, Pixar et bien sûr de Hayao Miyazaki.

En BD, je citerai le travail de Claire Wendling, de Matthieu Bonhomme, Bone de Jeff Smith, Alim le tanneur de Virginie Augustin et Wilfrid Lupano, Sillage de Philippe Buchet et Jean-David Morvan, les cycles autour d’Aldébaran de Léo et bien d’autres encore. Je suis une grosse lectrice en général et je grappille tout ce que je trouve intéressant pour m’en inspirer dans mon travail.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Continuer de faire de la bande dessinée. Là, je travaille sur un nouveau projet que j’espère bientôt présenter à mon éditeur, croisons les doigts !

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