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Découvrez l'auteur des Chroniques de la vigne

Originaire de Bourgogne, Fred Bernard a sillonné le monde. Il en a tiré des scénarios de livres pour enfants, des héroïnes pas comme les autres et des histoires autour de son village natal. Rencontre avec un auteur passionné et heureux.   

François Roca, Jeanne Picquigny et les autres…

Comment êtes-vous venu à la BD ?

J'ai fait ma première BD à 33 ans, après 7 ans de jeunesse. J'ai toujours su que j'allais y aller, mais j'attendais d'avoir mon sujet. Ça a fait tilt avec Les Aventures de Jeanne Picquigny, basées sur le titre jeunesse Jeanne et le Mokélé.

Vous travaillez depuis longtemps avec François Roca, comment vous êtes-vous rencontrés ?

On s'est rencontrés il y a 23 ans. Lui n'écrivait pas du tout, c'est la peinture qui le fascinait. Moi, je faisais du dessin pour raconter mes histoires. Il m'a demandé de lui en écrire une : La reine des fourmis a disparu est sortie en 1995. Depuis, on fait un album par an.

On est un peu en symbiose tous les deux, comme l'anémone de mer et le poisson clown. Beaucoup de mes histoires ne seraient jamais passées sans lui. Mon dessin est assez raide, instinctif et incisif. Mais avec les dessins un peu classiques, doux et pas agressifs de François, tout devient possible.

Vous avez repris deux albums jeunesse que vous aviez scénarisés pour les adapter en BD adulte. Pourquoi retravailler ces histoires ?

Avec François, on change de thématique à chaque fois. Moi, j’aime bien retrouver les héros et j'avais en tête des personnages et des histoires qui n'étaient clairement plus pour enfants, parce que trop compliquées au niveau de la narration, trop violentes ou trop sensuelles...

Pour Jeanne et le Mokélé, François et l'éditeur n'ont pas voulu de la première version. Jeanne devait tomber enceinte, ça tombait dans l'intime, elle devenait fragile... J’ai donc adapté cette histoire pour les adultes.

Pour L'homme-bonsaï, j'ai trouvé en l'écrivant qu'il manquait une personne pour aimer le héros. Mais vu son caractère et sa masse, je ne pouvais pas faire une petite nana normale. Il fallait une femme un peu cassée et compliquée. Ça ne pouvait pas être jeunesse, donc je l'ai mis de côté pour le reprendre après.

Vous travaillez avec différentes techniques... Qu'est-ce qui vous fait privilégier l'une plutôt que l'autre ?

C'est en fonction de l'histoire, du temps que j'ai... Par exemple, la thématique peut être plus accessible et plus gaie en couleur. C'est le cas d'Ursula, vers l'amour et au-delà , une histoire difficile qui se passe en grande partie la nuit. Je ne voulais pas plomber le sujet et ai pris le parti de faire un traitement presque enfantin. Pour L'homme-bonsaï, je voulais des couleurs mais je n'avais jamais essayé. J'avais sympathisé avec Delphine Chédru, qui les a faites pour moi. Quant à l'aquarelle et aux crayons, je les utilise beaucoup en voyage.

Mes maîtres en dessin sont inatteignables : Franquin, Pratt, Cosey... J'ai essayé de les copier puis je me suis rendu compte que c'était inutile. J'ai lorgné vers Joann Sfar et Edmond Baudoin, qui a un dessin libre qui correspond bien à ma nature. J'ai mis longtemps à accepter mon dessin. Mais c'est comme ça : je ne suis pas formaliste, ce que j'aime c'est évoquer.

Une famille et des voyages…

Beaucoup de vos personnages sont des jeunes femmes à forte personnalité, avec un brin de folie. Pourquoi ?

J’ai choisi des héroïnes parce que beaucoup de héros sont déjà très convaincants. J'adore Jonathan de Cosey, Gaston Lagaffe, Corto Maltese, Isaac le pirate de Christophe Blain... Des filles, il y en a moins, et peu qui ne sont pas caricaturales, comme l'étonnante Adèle Blanc-Sec ou Pélisse dans La Quête de l'oiseau du temps... Mes personnages sont comme des paravents : je me cache derrière. Ce sont des parties de moi, mélangées à des filles que je connais, ma grand-mère par exemple.

Avec Les Aventures de Jeanne Picquigny et Lily Love Peacock, on suit le destin de femmes de la même famille. Comment vous est venue l'idée de cette saga ?

Dès le premier album, je m’étais lancé le défi de créer une héroïne qui voyagera à travers le monde mais tombera enceinte dès le début. J'adore les histoires qui expliquent les tenants et les aboutissants de chaque personnalité, l'influence du vécu des parents sur les enfants.

Mais Seuil a arrêté la BD et je n'ai pas pu faire la suite de Jeanne tout de suite. J'ai donc commencé l'histoire de la petite-fille de Jeanne avec Lily Love Peacock, mais en y évoquant la mamie. Après, j'ai fait naître le papa de Lily. J'aimerais également parler des descendants, dans le futur. J'aimerais étirer ça le plus longtemps possible.

La thématique du voyage est récurrente dans vos ouvrages. Êtes-vous un grand voyageur?

Les voyages, c'est mon premier investissement ! Je complétais mes boulots d'été avec des ventes d'aquarelles dans les caves pour les touristes. Je finançais ainsi mes premiers voyages. C'est ce que je préfère faire : voyager, rencontrer des gens, voir par moi-même.

Vous allez chercher la documentation sur place ?

On peut très bien faire sans. Mais moi j'en ai besoin, parce que je n'ai pas beaucoup d'imagination. Sauf quelques exceptions, je suis allé dans les endroits où j'ai emmené Jeanne et Lily. Dans La Patience du tigre, Jeanne dort chez un maharadja. Maintenant, c'est un hôtel de luxe. J’y ai dormi et ma Lily y dort aussi.

Avec les photos sur Internet, on a souvent les mêmes points de vue et seulement des endroits connus. Moi, je les évite : Jeanne fait ainsi le tour de l'Inde sans jamais voir le Taj Mahal.

Dans votre dernier album, vous partez en voyage dans votre région d'origine, la Bourgogne, à la découverte des vins. Pourquoi ce récit familial ?

J'ai ce projet depuis dix ans, mais je voulais absolument le faire avec mon grand-père qui n'a jamais voulu en entendre parler. Je l'ai fait maintenant pour plusieurs raisons. Déjà c'est à la mode. L'autre motivation, c'était son âge. Ça aurait été horrible qu'il meure avant la sortie du livre. Il a fallu le lui lire, mais les premiers jours il l'emmenait partout avec lui...

Je l'ai écrit très facilement, parce que j'avais tout en tête depuis mon adolescence. Je connais cet endroit par cœur et, même si je fais des petites erreurs, de tête, je peux dessiner les paysages, les rues... D'ailleurs les habitants ont tout reconnu.

Vous allez souvent au contact du public, que vous apportent ces rencontres ?

C'est le retour indispensable. Au début j'étais un peu timide pour parler devant des gens. Maintenant, j'y vais comme si j'allais parler avec des copains. Il se passe des trucs géniaux quand on se déplace. C'est motivant pour continuer. J'ai appris des choses sur moi, en rencontrant des gens.

Quels sont vos projets à venir ?

J’ai deux projets jeunesse en tant que scénariste. Le premier, composé de fausses lettres de poilus, illustrées par Emile Bravo, parlera d’un joaillier qui a fait la guerre dans les tranchées et fabriquait de petits avions de chasse avec des douilles. Le deuxième est une commande de Casterman : une biographie de Charles Nungesser qui a disparu avec folie en tentant la traversée de l'Atlantique douze jours avant Charles Lindbergh. Ce sera raconté du point de vue d'une nana, encore une fois.

Je vais aussi continuer Jeanne Picquigny, avec une aventure qui se passera entre son château en Bourgogne et l'Amazonie. Je songe aussi à une suite qui se passerait dans un futur post-apocalyptique, avec la descendante de Lily. Plus tard, je devrais également reprendre en BD un autre album jeunesse, La fille du samouraï. Voilà ça fait déjà beaucoup !

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