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Les créateurs des Nombrils n'ont pas leur langue dans la poche

Delaf, de son vrai nom Marc Delafontaine, et Maryse Dubuc nous racontent comment sont nées et ont grandi les Nombrils ! Découvrez le parcours de leurs créateurs, de sympathiques Québecois, et les secrets du monde de Karine, Jenny et Vicky !

La naissance des Nombrils...

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la bande dessinée ?

Delaf : Je dessine depuis que je suis tout petit ! En lisant Le réveil du Z que j’ai eu le déclic pour la BD. Il y a une grande case où Spirou et Fantasio se retrouvent dans le futur. J’étais vraiment en admiration devant l’encrage de Janry et je me suis dit «c’est ce métier là que je veux faire!».

J’ai eu de la chance, j’ai commencé à gagner ma vie en faisant une forme de BD : de la BD pédagogique. Après ça, j’ai fait du dessin animé et puis j’ai rencontré Maryse qui sortait des lettres françaises. Elle voulait écrire, je voulais dessiner donc… match parfait !

Dubuc : J’ai eu un parcours diffèrent parce qu’au Québec, la BD fait nettement moins partie de la culture. Je lisais surtout des romans jusqu’à ce que je rencontre Marc à 17 ans. Il m’a fait découvrir la BD mais directement par la nouvelle vague, sans passer par les classiques. Puis on a rapidement eu envie de travailler ensemble.

Justement, comment travaillez-vous ensemble ?

Dubuc : Comme j’ai écrit des romans, je maîtrise plus l’histoire, les personnages, les dialogues. Marc manie les gags pour les rendre punchy… Il a lu tous les Gaston lui !

Pour chaque album, je commence par écrire toute l’histoire. Ensuite Marc la reprend pour la charcuter en informations et en gags. En créant les gags, parfois, il faut modifier un peu l’histoire puis tricher pour ensuite rattraper l’histoire générale. C’est beaucoup de travail de récriture.

Est-ce que venir de l’animé aide pour faire de la bande dessinée ?

Delaf : En animation, tu dois faire beaucoup de dessins dans la journée, avec des proportions très précises. Ça développe une certaine facilité pour les personnages, les volumes et les décors.

Dubuc : Ca donne aussi une sorte de rigueur : on a même fait les plans de la maison de Karine ! Parfois pour un gag, il y a un objet qui gêne dans le cadre… Et pour Marc, comme dans un dessin animé, l’objet est là et on ne peut pas tricher !

Pourquoi avoir choisi un trio pour votre histoire ?

Dubuc : On a d’abord créé Jenny et Vicky, les nombrilistes. Et tout de suite après, on s’est dit qu’il fallait rajouter une troisième fille qui allait être victime de leurs mauvais coups. Le trio est né ainsi !

D’habitude les trios ne marchent jamais, ce qui crée une dynamique très mouvante entre les personnages : il y a des alliances, des disputes...

Vous lancez-vous le défi de créer des personnages toujours plus surprenants ?

Delaf : Il y a un peu de ça ! Quand John John est apparu, on ne savait pas du tout ce qu’il y avait sous son casque ! Puis on a voulu dévoiler le personnage plutôt que de faire durer éternellement le running gag... On a donc inventé ce qui se cachait sous son casque !

Albin, il est né graphiquement d’abord. On avait besoin d’un personnage charismatique pour être le mentor du changement de Karine. Cet albinos qui s’assume, avec ses deux petites cornes, avait déjà une forte personnalité graphique et on s’est un peu laissé entrainer par ça... Et puis il est devenu un peu inquiétant et c’est pour ça qu’on a introduit l’intrigue policière.

Pourquoi Karine est aussi longue ?

Delaf : Il fallait créer l’amie sur laquelle Jenny et Vicky allaient taper. Elle devait être différente, moche ! Au lieu de faire une pauvre petite grosse de plus, j’ai essayé d’aller à contre-courant, de surprendre. Et puis Karine est sortie spontanément : c’est la longue fille sans colonne. Je trouvais que son physique exprimait vraiment sa personnalité. Il n’y a rien de très prémédité dans les Nombrils…

Dubuc : C’est très réfléchi mais en cours de route !

Qu'est ce qui se cache dans les Nombrils ?

Comment abordez-vous autant de sujets de société ?

Dubuc : Tout est dans la continuité des personnages. Par exemple quand on a créé Jenny, on en a fait une fille très superficielle. Par la suite on apprend qu’elle comble la presque absence de mère grâce à son côté princesse.

Delaf : C’est une façon de densifier notre personnage. On pense que c’est une fille qui ne s’intéresse qu’à son look alors qu’en fait c’est une vraie battante.

Dubuc : Comme on fait de la bande dessinée d’humour, on commence par typer le personnage, pour lui donner un rôle dans la mécanique de l’humour. Ensuite qu’on joue sur les contrastes pour lui apporter un nouvel éclairage.

Qui est votre public selon vous ?

Dubuc : En festival, on voit surtout des filles qui nous disent souvent que toute leur famille leur emprunte Les Nombrils. On fait cette série pour un public très large, vu qu’on a des lecteurs de tout âge.

Pour les jeunes lecteurs, on fait attention à être très clairs dans la composition de la page, pour qu’ils ne soient pas perdus. Mais on amène aussi de la richesse pour que les lecteurs adultes qui connaissent bien la bande dessinée ne s’ennuient pas.

Vous auto-censurez-vous à cause de votre jeune public ?

Dubuc : Non. On a déjà parlé de drogue, de suicide ou d’alcoolisme. Quand on touche un thème plus sensible, on fait juste en sorte qu’il y ait un gros gag. Par exemple, lorsqu’on voit la mère de Jenny soûle, écroulée sous la table. Pour un adulte c’est choquant mais pour la petite sœur de Jenny, c’est juste l’occasion de raccourcir le top de Jenny pour se l’approprier ! C’est ce gag que les jeunes vont retenir.

On n’aborde pas des sujets sensibles pour choquer mais pour poser des questions. Pour le changement de Karine, par exemple, on aurait juste pu dire que c’est bien qu’elle s’affirme. Mais est-ce que Karine n'a pas perdu quelque chose en chemin ? Notre but c’est d’être moral mais jamais moralisateur.

Les avis des fans influencent-ils le déroulement de la série ?

Dubuc : C’est difficile d’en tenir compte de manière générale. On a l’image générale de la série alors que les lecteurs ont seulement la vision du présent.

Delaf : On demande parfois leur avis sur des looks par exemple. Ca peut même nous aiguiller : pour le look de James, par exemple, j’avais proposé un pantacourt. En Amérique du Nord ça se porte mais à Paris un mec en pantacourt, ça ne se fait pas ! Grâce aux fans, James n’a pas eu ce look là.

Quels sont vos projets ?

Delaf : On a deux projets de longs métrages en cours mais on n’a pas encore de financement. Et puis le septième tome des Nombrils, qu’on n’a pas vraiment commencé.

Dubuc : On sait que pour les derniers tomes on veut aller plus loin dans les sentiments, dans l’intériorité. C’est une série d’humour tous publics donc on va lui donner un nouveau souffle avec plus d’émotions et encore plus d’humour.

Delaf : On va éviter l’escalade dans la catastrophe : là on a le tueur en série, le prochain tome ne va pas voir débarquer des zombies !

Dubuc : On travaille aussi sur une version théâtrale des Nombrils qu’on va mettre en ligne pour que les troupes d’amateurs puissent jouer la pièce.

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