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Frank Miller - La Face Sombre de l’Amérique

Grandeur et décadence

Fer de lance des créateurs

Suite à cette mésaventure, Frank Miller va défendre avec constance les mérites du creator-ownership, concept américain désignant le travail dont l’artiste possède les droits ; situation rarissime chez Marvel et DC dont les artistes travaillent sur des licences appartenant aux éditeurs. Il file ainsi chez Dark Horse Comics, récemment fondé, où il commence par publier Hard Boiled. Mais ce sont les premiers chapitres de Sin City qui feront vite sensation…

Extrait de Sin City T.1 par Frank Miller

Extrait de Sin City T.1 par Frank Miller

Frank Miller y délivre l’étendue de son talent dans l’écriture d’un polar noir poisseux et ultraviolent. Ses planches en noir et blanc tranché attirent immanquablement l’oeil, le découpage efficace et la narration intérieure des personnages permet au lecteur de s’attacher et de comprendre des figures que l’on considérerait ailleurs comme, au mieux, des antagonistes. Dans le même temps, Miller fait ses premières incursion au cinéma en écrivant les scripts de Robocop 2 & 3.

Hollywood et controverses.

Dans les années suivantes, il publie une suite à The Dark Knight Returns, beaucoup moins bien accueillie tant par le public que par la critique. Mais surtout, il s’occupe avec Robert Rodriguez de l’adaptation sur grand écran de Sin City, puis s’essaie lui-même à la réalisation avec The Spirit, adaptation de la série créée par l’immense Will Eisner, dont Miller est un admirateur fervent. Devenu une personnalité majeure de l’industrie des comics, il devient une personnalité publique. Or, depuis le 11 septembre 2001, Miller a développé des positions radicales à l’égard de l’islam...

« J'entends souvent les gens se demander pourquoi nous avons attaqué l'Irak par exemple. Nous nous en prenons à une idéologie. [...] Ces gens-là coupent des têtes. [...] Je suis en train de parler dans un micro qui n'aurait jamais pu être produit par leur culture, et je vis dans une ville où 3 000 de mes voisins ont été tués par des voleurs d'avions qu'ils n'auraient jamais pu construire eux-mêmes. » déclarera-t-il en 2006 à la National Public Radio.

Couverture française de Terreur Sainte par Frank Miller

Dans le même temps, une partie de la critique commence à s’émouvoir de la représentation des femmes et des minorités dans les oeuvres de Frank Miller. Alan Moore lui-même déclare : « Je pense que Sin City est un monument de misogynie, et que 300 est une saga barbare, pas historique pour un sou, homophobe, et franchement à côté de la plaque. » Et ce n’est probablement pas Terreur Sainte qui l’a fait changer d’avis....

Et maintenant ?

Que retenir finalement de Frank Miller ? L’artiste et scénariste immense dont le génie a probablement plus apporté au neuvième art que beaucoup de ses détracteurs réunis ? (excepté Alan Moore. Et Neil Gaiman. Et...) Ou l’écrivain franchement raciste, homophobe et misogyne ? Difficile à dire. L'homme peut être jugé sur ses opinions. Pas l'artiste. Louis-Ferdinand Céline était un con. Reste que ses livres sont des chefs d’oeuvre. Frank Miller est sans doute un con. Reste que ses BD sont des chefs d’oeuvre.

Sin City T.6

Extrait de Sin City T.6 par Frank Miller

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