ZOO

L’Homme qui tua le Far West

Des impasses contemporaines ?

 

Le réalisme à tout prix

 

Il est vrai que depuis le début de Blueberry, aucune bande dessinée estampillée western n’a eu un impact aussi important sur le genre. Mais est-ce vraiment lié à l’influence de la série ou à l'épuisement du genre ? Pour renouveler le western, de nombreux albums ont recherché le réalisme, passant par l’abandon ou la réinvention des clichés du genre, les duels au pistolet entre autres. Western ou plus récemment Rouge comme la neige ont choisi cette orientation presque plus historique que western. L’Ouest sauvage devient alors un élément à restituer fidèlement, garant de la crédibilité de l’histoire, invitant à s’interroger sur le mythe de l’Ouest américain et sur sa morale.

Buffalo Runner, en plein face-à-face

Le dessin s’oriente lui aussi vers un réalisme plus académique, abandonnant parfois la recherche de la « gueule » reconnaissable et expressive du protagoniste classique de western pour aller vers une certaine normalité des personnages. À l’inverse, d’autres albums comme Buffalo Runner accentuent au contraire les « gueules » de leurs personnages pour les rendre plus expressifs et donner plus de poids à leurs dilemmes sans alourdir le texte. L’impasse ? Difficile d’innover réellement dans un registre dont les codes fonctionnent parfaitement !

 

Déconstruire et se moquer

 

Discussion contructive...

D’autres auteurs ont choisi une voie totalement opposée. Plutôt que de mêler les codes du western à la recherche de la rigueur historique, au prix d’une perte de l’esprit de ce genre, certains ont choisi de se focaliser sur ces codes. Parfois en les sortant de leur contexte habituel comme dans L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu avec sa logique qui rappelle celle d’un Quentin Tarantino : utiliser des situations nouvelles avec des personnages inadaptés à un rôle de western traditionnel. En créant un décalage entre l’atmosphère de l’œuvre et la situation qui y est racontée, ces westerns rendent finalement hommage aux codes qu’ils détournent.


... dans Texas Cowboys

Dans une démarche encore plus assumée, Texas Cowboys récupère les clichés les plus éculés du genre pour faire dans la surenchère : créer le western de série B ultime. Cette approche presque parodique montre par l’absurde un genre surmontant difficilement les codes qui le définissent. Gus enfin, joue à l’extrême sur le décalage entre l’environnement, les codes et les situations, en projetant des tranches de vie quotidienne entre deux attaques de diligence au fin fond du désert : on en ressent alors toute l’absurdité et c’est génial !

Cow-Boys et Envahisseurs

Si le western semble aujourd’hui peiner à se réinventer, il ne faut donc pas l’enterrer pour autant. D’abord parce qu’il n’est pas nécessaire de révolutionner perpétuellement un genre. Ensuite parce que d’excellents westerns continuent à sortir régulièrement, autant d’albums de qualité dont certains sont de véritables incontournables. Enfin les innovations des dernières années restent nombreuses, même si les westerns restent des albums de genre, confrontés à la difficulté de faire évoluer les codes sans en sortir.


Drifter, western mêlé de space-opera

Pourtant, c’est en s’ouvrant à d’autres genres que le western a permis l’émergence de séries et d’albums novateurs ces dernières années. En se mêlant à l’occulte, ce genre à donné le remarqué W.E.S.T. par exemple. Tandis qu’aux États-Unis le western s’est largement ouvert à de nombreux autres genres, du fantastique au thriller en passant par la science-fiction. Le succès de séries telles que Preacher et Jonah Hex, ou plus récemment East of West et Drifter laisse présager que le genre a de beaux jours devant lui, que ses codes peuvent effectivement nourrir d’autres intrigues, genres et narrations, que non, Blueberry ne l’a pas tué. Et que si Hollywood lisait plus de BD, il aurait adapté autre chose que Cow-Boys et envahisseurs !


Haut de page

Commentez

1200 caractères restants